Ode au Maroc pluriel et intemporel

Le bleu du caftan, titre symbolique qui ne laisse qu'une entrouverture à ce que représente ce film, et qui annonce déjà la "couleur" de ce qu'aborde Maryam Touzani à travers de magnifiques arrêts sur image, un jeu d'acteur époustouflant et une bande son envoutante.

Le bleu de l'apaisement progressif de Mina, (incarnée par une vibrante Lubna Azabal) qui accepte la mort mais aussi l'homosexualité de ce mari qu'elle aime tant. Le bleu de la stabilité des liens platoniques entre les protagonistes, de Halim (incarné par le poignant Saleh Bakri) qui reste solide comme un roc, aux côtés d'une Mina mourante. Le bleu de l'océan face au cimetière de scène de fin, paradoxe entre la vie et la mort, l'eau et la terre.

Le film de Maryam Touzani, en toute poésie et philosophie, raconte l'histoire d'amour inconditionnel entre Mina et Halim, pourtant incompatible - peut-être même en est-ce la raison - puisque l'une est hétérosexuelle et l'autre homosexuel. C'est dans les petits détails qu'on ressent l'infinie affection, la tendresse, que ressentent les protagonistes l'un pour l'autre. C'est aussi dans les détails que l'on perçoit l'amour de la réalisatrice pour le Maroc, Maroc pluriel, contradictoire, entre l'ostentatoire (caftans, musiques fortes dans les rues, prières) et l'intime (hammams, boutique, cuisine...). La scène de fin en est le témoin principal : Halim et Youssef portant Mina dans son caftan bleue pour être enterrée ; symbole ostentatoire de l'interdit religieux mais symbole intime de l'amour que les deux hommes portent pour Mina jusqu'à la mort.

Le bleu du caftan est intemporel (il n'y a aucun signe de l'époque à laquelle les événements ont lieu, pas de téléphones etc) tout comme le sont les Médinas marocaines, capsules enfermées dans les murailles hors du temps, dont les ruelles étroites grouillent de vie à toute heure de la journée/nuit. Le contraste intime/public, modernité/tradition est au coeur de l'intrigue de ce film, à l'image même du Maroc qui est en proie aux mêmes dissonances. Mais Maryam Touzani réussit à marier ces contrastes de manière harmonieuse et apaisante, à l'aide de la performance des acteurs qui se veut irréprochable.