Traiter de la maladie d'Alzheimer au cinéma comporte toujours le risque d'en faire beaucoup plus que nécessaire et que le regard du spectateur se détourne d'écœurement. En choisissant d'y ajouter la Seconde Guerre mondiale et une tragédie familiale, Hans Steinbichler évite cet écueil et son film gagne beaucoup en intensité.

L'histoire est assez simple au début du film, Sofia journaliste décide de prendre en charge sa mère Marga, atteinte de cette maladie d'Alzheimer après que cette dernière a commencé à faire des révélations sur un obscur passé familial. L'ironie est assez belle pendant tout le long du film, Marga, Allemande venue de Letonie, perd la mémoire au fur et à mesure que son cerveau meurt, l'effet désinhibiteur qui en découle la pousse à laisser ressortir des souvenirs et un passé qu'elle voulait enfouir à tout jamais. Elle porte en elle un lourd secret qui lui a dévoré l'âme pendant des décennies, l'empêchant d'aimer sa fille. Le film est dur, sobre et sans concession, il a ce côté germanique de la retenue qui ne s'embarrasse pas d'artifices et va à l'essentiel, l'histoire se suffisant à elle-même. La caméra est souvent fixe, enchaînant les plans longs et les silences tout aussi longs. La lumière est rare, les paysages sont souvent gris, humides et emplis d'un désespoir venu tout droit de cet affrontement entre communistes et nazis que les Allemands de Lettonie ont pris de plein fouet.

Les interprètes sont au minimum formidables, on voit dans leur yeux l'étonnante intensité dramatique que dégage le film et que l'on ressent en tant que spectateur. Hannelore Elsner reste au-dessus du lot, incarnant à merveille la dignité dans la déchéance, laissant ressortir avec gravité la culpabilité qui la ronge depuis cinquante ans. Il n'y a pas un instant de répit, de sourire ou de détente, le film monte peu à peu, révélant au fur et à mesure cette terrible histoire familiale qui pris comme décor la Lettonie de la Seconde Guerre au moment où les soviétiques l'envahissaient et poussaient les Allemands à retourner au pays.

On ressort meurtri de ce film, partagé entre une haine féroce envers Marga et cet acte terrible dont elle coupable, mais avec un soupçon de compréhension envers une femme qui débute le film heureuse, qui n'aspirait qu'à un bonheur innocent et simple et que la vie s'est refusée à épargner. La maladie d'Alzheimer ne la rattrape qu'à la fin, telle une punition divine mais comme chacun sait, plus le temps passe moins le malade se rend compte de son état et dans la cas de Marga c'est une bénédiction. La maladie fini par laver les remords, les regrets et les désespoirs.
Jambalaya
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le 12 avr. 2013

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