Avec sa trame digne d’un roman de gare et sa production bâclée, Le Bonhomme de neige de Tomas Alfredson est un naufrage complet. A travers ce polar bien pâle, aux enjeux minimes dans l’univers enneigé d’une Norvège inerte, le réalisateur de Morse ne connait malheureusement pas la réussite de ses débuts.


Un certain nombre de scènes n’auraient pas été tournées, soit par choix de la production, soit par manque de temps durant un tournage qui s’est avéré très court. Ceci explique peut-être cela mais il n’empêche, que malgré les déboires de ce projet cinématographique, le résultat est d’une calamité sans nom. Tomas Alfredson, Michael Fassbender, J. K. Simmons, Val Kilmer et même Charlotte Gainsbourg, tout ce beau monde pour un film de genre qui manque clairement de liant et de personnalité afin de pouvoir attiser la moindre parcelle de curiosité.


Sous cette couche épaisse de médiocrité, Le Bonhomme de Neige est un film hybride, à la rythmique qui n’est pas celle de Tomas Alfredson, et qui fait bizarrement penser à Suicide Squad. Le point de vue artistique est écrasé d’un côté par l’aspérité artistique d’un cinéaste et de l’autre, par la rationalisation faussement rentable d’une production qui veut avoir la main mise sur son projet.


Cette histoire de sérial killer de jeunes femmes est tiré d’un roman, celui de Jo Nesbø. Dès la première séquence, qui est un flash-back sur l’enfance du tueur, on comprend vite la galère dans laquelle on est tombé : montage ubuesque et désarticulé dans son découpage spatio-temporel, enjeu mal amené et thématique égorgée de force. Tout sonne faux. Et c’est bien le problème d’un film qui peinera à trouver sa respiration.


Pourtant, la recette est classique : un flic alcoolique aux traumas existentialistes divorcé d’une femme qui ne demande qu’à être cajolée, une équipe de jeunes loups autour de lui, un tueur sournois, un environnement froid et brumeux, une enquête policière qui mêle vie personnelle et rebondissements scénaristiques. Mais l’enchevêtrement entre toutes ces données n’est pas assez solidifié, faute à un récit qui n’impose pas assez d’ampleur à son champ d’action : rien n’est travaillé et on se croirait face au téléfilm du vendredi soir sur France 2.


Le flic, joué par Michael Fassbender, ancienne légende de la police, est en pleine dépression. Pourquoi ? Difficile de l’expliquer. Son alcoolisme ? Inexpliqué. Le principal souci provient du fait que Tomas Alfredson semble éloigné de son film : où est passé le réalisateur de Morse, qui réinventait le film de vampire ? Là où Dennis Villeneuve se servait du polar dans Prisoners pour amener son récit dans les soubresauts des thèmes vénéneux de la vengeance personnelle, Tomas Alfredson ne fait rien de tout cela et délaisse toute thématique à son œuvre.


Là où David Fincher dans Millenium, filmait la Suède comme une antre froide à la dialectique inquiétante et mystérieuse, Le Bonhomme de neige n’utilise à aucun moment son décor pour mélanger son cadre à son histoire. Là où Bong Joon-ho dans Memories of Murders se servait du film de genre pour recentrer son récit vers une dénonciation sociale sur la société campagnarde de la Corée du Sud, le cinéaste n’arrive pas à rendre palpable les possibilités sociétales de son matériel, à propos des sorts des femmes à notre époque ou à propos de la représentation du visage de la famille contemporaine.


Le film de genre, peut paraître aussi souple que rachitique : et quand bien même le récit serait restreint ou cloîtré sur ses positions de Série B, le réalisateur semble perdu, aux abonnés absents, tout comme le reste de son casting. Le Bonhomme de neige n’est ni un film tendu qui base tout sur les qualités de mise en scène et le graphisme de ses mises à mort, ni un film policier lent et mutique voulant accentuer son montage sur les modalités de l’enquête, ni un polar suintant la peur et le suspense, voire ni un portrait de personnages nihilistes comme pouvait l’être True Detective.


Deux choses symbolisent le fiasco du projet : les intentions du tueur, qui est le seul à ne pas comprendre l’incohérence de ses actes et surtout les rares mais drolatiques (à son insu) apparitions d’un Val Kilmer cabotinant comme un gros porc. Et dire que ce film est composé du meilleur acteur de sa génération et de l’un des réalisateurs les plus talentueux du XXIème siècle.


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Velvetman
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le 2 déc. 2017

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