J'aime Blier. Je n'ai pas vu tous ses films, mais je peux quand même dire que j'aime sa personnalité, son identité créative.
Son cynisme, son côté subversif et exaltant.
Ses films ont souvent un côté assez dérangeant, pas toujours très sage.
Je trouve ça assez admirable et rafraîchissant.
Le Bruit des Glaçons est de ceux là (rafraîchissant, comme c'est bien trouvé !).
L'histoire d'un homme paumé qui doit se coltiner la personnification de son cancer, c'est quand même une super bonne idée !
Ce qui permet un certain humour noir, mais surtout un côté mind-fuck bien présent, ainsi qu'une mise en scène volontairement bordélique et parsemée de quelques énigmes.
Mais commençons par le début.
Un Dupontel qui marche, résigné mais qui semble presque tordu, tortueux.
Un Dujardin qui végète avec sa bouteille de blanc à côté.
Un bruit de sonnette, une punchline pas franchement bien sentie, et ensuite on a mal au crâne.
Disons le clairement, les 5-10 premières minutes sont une torture.
Le rythme n'a aucun sens, le montage encore moins.
Tout se succède bien bien bien trop vite alors que le film commence à peine. Puis pour rien raconter de très précis en plus...
"bonjour, je suis votre cancer" et c'est tout ! Alors pourquoi rendre ça aussi excité, comme si le film était accéléré en x1,5 ?
On pourrait penser que ce tumulte sert à montrer la panique du personnage, sauf que non. Celui ci est résigné, et pas vraiment étonné d'ailleurs.
Puis après quelques autres punchlines très théâtrales mais pas toujours percutantes, il finit par essayer de tuer son cancer, dans un accès de lucidité.
Évidemment, on ne tue pas le cancer comme ça, et le film démarre enfin correctement.
Ensuite le film se calme, et nous balance ses idées avec bien plus de délicatesse et d'intelligence.
Les personnages évoluent doucement, tout en restant fidèles à eux mêmes.
Excepté le cancer, qui au départ amical devient de plus en plus envahissant, menaçant et malveillant.
Une évolution convenue, obligatoire même. Mais franchement efficace, de part son interprétation magistrale.
Dujardin s'en sort bien aussi. Même si on aimerait voir le cliché de l'écrivain perdu et seul avec un peu plus de tact et de profondeur.
La servante, vite intéressante mais qui semble se perdre un peu sur le longueur, la rendant finalement assez fade. Dommage, parce que c'était engageant.
2 ou 3 autres rôles secondaires parsèment le film.
Notamment la jeune Russe qui parle mieux français que le plus français des français. Qui est juste bonne, qui n'hésite pas à nous montrer ses seins dès qu'elle apparaît. Qui se vante d'être belle et se plaint d'être aimée par tous les hommes.
Et bien rassure toi princesse, moi je ne t'aime pas.
Le médecin, un rôle de fonction. Sûrement pour nous montrer l'inefficacité de la médecine face à la fatalité de cette maladie.
Mouais, on aurait aimé voir ça un peu plus intelligemment.
Le fils, qui joue mal, qui réagit mal, qui est chiant.
Je ne comprends pas vraiment cette partie, que je trouve forcée et incohérente pour le récit. Inutile.
L'ex femme et le paparazzi, ici aussi de simples fonctions très effacés qui sont des échos du passé du protagoniste. Suffisamment absents et fantomatiques pour que le symbolisme fonctionne.
Mais c'est surtout la relation entre Dujardin et Dupontel qui domine le film.
Un homme qui est obligé de côtoyer un autre homme envahissant, vraiment bizarre, presque lunatique, véritable personnification de sa maladie.
Leur relation est parfois tendre, souvent fusionnelle, mais aussi virulente et conflictuelle.
Les transitions sont d'ailleurs assez brutes entre ces plusieurs états, à la limite de perdre le spectateur.
On est très clairement dans la psyché du personnage, voyageant dans ses flash-backs, y invitant son hôte.
Discutant avec de longues minutes, prenant conscience de certaines choses, implicites ou non.
C'est assez bien foutu, même si volontairement déstabilisant et bordélique.
A l'image de la mise en scène d'ailleurs. Passant d'un plan à l'autre, brisant certaines règles élémentaires de cinéma pour déstabiliser le spectateur.
Le dernière acte semble pourtant bien moins inspiré.
Avec une conclusion un peu facile et qui m'a laissé sur ma faim.
Le Bruit des Glaçons et très clairement un film imparfait. Et il ne peut évidemment pas être apprécié de tous.
Film réellement mindfuck, énigmatique et étrange, il peut facilement perdre le spectateur dans ses tentatives de personnification et de symbolismes, parfois maladroits.
Les dialogues également, qui sont comme toujours chez Blier très théâtraux, très percutants. Même si certains fonctionnent, d'autres semblent assez plats, voir cons.
Du genre la pimbeche bandante qui explique à la servante frippée que celle ci est la plus belle des 2, parce que son âme est sublime, mouais...
Le ton, jamais vraiment drôle, mais pas franchement inquiétant nous plus.
Un surréalisme très présent même quand on a l'impression d'un moment purement réaliste et concret.
Une ambivalence générale, loin d'être hors de propos, mais pourtant assez compliquée à suivre.
Il n'empêche que personnellement j'aime vraiment bien.
Il me navre de me dire qu'avec un peu plus de pertinence, le film aurait pu être un des meilleurs films de genre, avec une idée brillante et brillamment exécutée. Mais pas vraiment..
Je salue tout de même l'idée, les tentatives aussi (car certaines sont réellement efficaces).
Pas toujours subtile, hélas, Le Bruit des Glaçons reste un exercice, une tentative de film sombre, pas dénué de poésie et de douceur, mais qui tangue entre intelligence bienvenue et maladresses décevantes.