Je suis déçu. J'ai appris l'existence de ce film il y a quelques jours, et j'ai halluciné de voir qu'Alain Cavalier sortais un film en catimini, un an seulement après Le Paradis, sans en avoir jamais entendu parler, j'ai juste vu une affiche par hasard dans Paris. Et la distribution va avec, il est dans une seule salle à Paris... Moins visible encore que Le Paradis, mais bon, je l'ai vu, et même s'il ne me laissera pas de souvenir impérissable comme tous les autres films de Cavalier, je suis content de l'avoir vu.
Alors c'est un film d'une extrême simplicité, ça fait du bien de voir ça quand même, à l'heure où on prône toujours la vitesse, le divertissement, les choses de plus en plus compliqués, c'est un peu déroutant mais relaxant d'avoir un type qui, comme dans Pater où Cavalier filmait Lindon faire la cuisine dans aucun but précis autre que l'observer, va se rendre tous les matins dans une écurie voir un cavalier s'entraîner avec son cheval pour un spectacle. Pas de commentaires qui viendraient donner du rythme, pas de contextualisation, pas de noms donnés, rien. Alors, c'est à la fois une bonne chose et une tare immense qui peut rendre le film emmerdant comme un discours de Sarkozy (encore que dans ce cas, au moins, on peut être actif, navré etc), et barbant car répétitif.
Et il faut bien avouer que c'est le problème que j'ai avec ce film : l'absence de la voix de Cavalier. Je me rends compte que sans elle, ses documentaires intimes ne vaudraient rien. Sa si merveilleuse voix se fait cruellement manquer... Et en même temps, on a du coup un film très visuel, qui filme admirablement bien le cheval (et dieu sais qu'on a matière à se moquer d'un cheval dans sa représentation psychanalytique, ce que Cavalier ne fait pas du tout), va s'approcher de la peau, du corps, des muscles, sans jamais être lourd ou en faire trop. S'il y a un truc qui est agaçant avec les animaux au cinéma, c'est quand on les utilise ou pour faire des gags nuls ( coucou The Artist), ou qu'on les anthropomorphise pour faire genre ils sont humains et pour faire pleurer dans les chaumières (genre Hatchy, que j'ai pas vu, mais que je ne veux pas voir, tenant à ma santé mentale). Là on a rien de tout ça, et heureusement, c'est tellement facile de tomber dans les gags pipi caca avec un cheval dans une écurie...
Même si je n'ai pas vraiment vibré durant le film (j'aurais aimé avoir une longue scène d'entraînement intense, il y en a mais ça ne m'a jamais transporté), à part à quelques moments ou la caméra tourne en même temps que le cheval qui galope, j'ai néanmoins fini par m'attacher à ce cheval... Grâce à ces gros plans sur les yeux, tous ces moments où on le voit marcher et où ses muscles souffrent. Pour la première fois de ma vie, je crois m'être intéressé au cheval, alors que ce n'est pas un truc qui me botte à la base (c'est pour les filles, tout ça... enfin y a de la psychanalyse derrière tout ça).
Et j'ai cependant bien aimé la dernière scène (ou presque), en hiver, où le cheval respire très fort, la fumée envahit l'image (toujours aussi belle d'ailleurs) et le petit "gag" assez réjouissant (j'en dis pas plus).
Je suis donc content, j'ai passé un bon moment, mais je suis déçu parce que Cavalier est un de mes réalisateurs préférés, et que par rapport au Paradis que j'avais adoré, ça ne fait pas vraiment le poids (et encore moins à côté d'Irène et Le filmeur).
Bref, j'attends son prochain film, en espérant que cette fois il sera plus loquace !