Vibre, avec Le Cavalier du crépuscule, une tension dramatique qui emporte tout sur son passage. Le réalisateur Robert D. Webb capte parfaitement la réalité de la guerre – le fait, par exemple, que la capitulation n’entraîne pas l’arrêt immédiat des combats, ou encore que l’argent volé serve initialement à financer l’armée précaire – tisse, au fil de la rivalité amoureuse, la métaphore de l’incapacité des soldats à se réinsérer dans une vie civile qui a appris à vivre sans eux, les reléguant le plus souvent à des barbares ayant du sang sur les mains. Car nous voyons des hommes meurtris, blessés par un passé qui revient au galop les harceler du spectre d’exactions commises dans un cadre strictement militaire, comme rupture du voile entre vie professionnelle et vie intime. Alors le bon Elvis c’est la vie qui, malgré tout, continue : le souci était bien de maintenir la promise dans la propriété, et il fallait pour cela la marier, serait-ce de force. Alors le bon Elvis chante en jouant de la guitare, impressionne la gente féminine par son jeu de jambes anachronique. Il incarne l’insouciance d’une âme que la guerre n’aurait pas touchée, préservée un temps de la sauvagerie du fait de son jeune âge. Le Cavalier du crépuscule narre une conversion d’un jeune premier aux saletés de l’existence : la jalousie naîtra et ne le quittera plus, jusqu’au chant du cygne final. Le film repose sur l’apprentissage des frères dans cette vaste confrérie qu’est le régiment : en pervertissant l’ingénu, ce dernier traduit de la plus forte manière qui soit le danger incarné par ces hommes revenus d’entre les morts, ces fantômes qui génèrent effroi auprès des leurs. Danger d’un miroir tendu à une société qui préfère punir les exactions qu’en reconnaître la responsabilité. Le Cavalier du crépuscule s’avère un western de très grande qualité qu’Elvis Presley porte avec talent : et si ses chansons peuvent donner l’impression d’une tribune marketing – ce qu’elles incarnent, certainement –, on est en droit de les vivre comme ce temps d’accalmie, ce calme chaleureux avant une tempête dévastatrice.