Sixième Festival d'Avoriaz en 1978, le jury composé de quelques petits noms du septième art avec entre autres Sergio Leone, William Friedkin, Henri Verneuil, Alain Delon et Fernando Arrabal décide de couronner Le Cercle Infernal ,second film de Richard Loncraine en lui attribuant la plus haute distinction avec le grand prix du festival. Pourtant jamais le film ne semble avoir véritablement trouvé sa pleine et entière place dans le cœur des amateurs de cinéma fantastique et horrifique et demeure 45 ans après sa sortie une œuvre rare et confidentiel partiellement et trop souvent injustement oublié.
Le Cercle Infernal nous raconte le plus intime et profond des drames puisque l'on suit le parcours d'une jeune femme qui n'a pas réussi à sauver sa fille de huit ans laquelle s'est étouffée sous ses yeux avec un morceau de pomme. Après un séjour à l’hôpital la jeune femme décide de refaire sa vie loin de son mari, dans une nouvelle maison laquelle semble habitée par une étrange présence que Julia va tenter de comprendre et apprivoiser …
Le Cercle Inferna est un film qui ne se prête pas facilement à l'exercice critique avec un récit teinté de douceur et emprunt d'une profonde mélancolie qui semble à la fois s'inscrire et s'échapper de tous les genres qu'il investit. Si le film reste un drame teinté de fantastique, il semble aussi glisser telle une brume vaporeuse entre les codes du film de maison hantée, d'une histoire classique de fantômes, du thriller psychologique, voir du film de possession. Difficile de savoir, et c'est ce qui fait une grande partie de la richesse du film, si ce sont des événements externes qui entraîne Julia (Mia Farrow) vers le surnaturel et le fantastique ou si ce sont les profonds tourments intérieurs de la jeune femme qui viennent imprimer une vision alternée du réelle. Si il est bel et bien question d'une présence fantomatique, d'un passé trouble, on restera durant tout le film en droit de s'interroger sur la part d'implication du personnage rongée de chagrin et de culpabilité à faire exister un fantôme aux traits similaires à sa fille disparue. De même que son obstination à découvrir la vérité au cours d'une véritable enquête teinté de paranormal n'est peut être que le trouble reflet du besoin de s'alléger du poids de sa propre culpabilité. Le Cercle Infernal est un film brumeux et dense qui navigue ainsi dans les eaux troubles du profond traumatisme de son héroïne comme dans un doux et cotonneux cauchemar mélancolique emprunt d'une sensibilité à fleur de peau. Le Cercle Infernal nous enrobe ainsi de sa dépressive empreinte à la fois dense et si légère jusqu'à un plan final tétanisant de beauté et absolument bouleversant. A ce titre on regretterait presque quelques séquences plus spectaculaires et démonstratives mettant en scène la mort de personnages secondaires qui semblent être la volonté de producteurs cherchant à rendre le film un peu plus commerciale et proche des canons habituelles de l'horreur et du fantastique.
Le Cercle Infernal est un film assez lent et bien peu spectaculaire dans lequel tout concours à créer cette atmosphère étrange et prégnante d'une infinie tristesse. Il faut tout d'abord saluer la très belle performance de Mia Farrow diaphane et fragile jusque dans sa détermination profonde à surmonter ou se perdre dans son chagrin. La comédienne est absolument magnifique de bout en bout portant une bonne partie du fragile équilibre du film sur ses frêles épaules. Il faut également saluer la mise en scène de Richard Loncraine presque effacée, toujours un peu en retrait laissant pleinement s'exprimer un sentiment de douce mais profonde solitude à l'écran. Les images d'une étonnante douceur, qui ne cherchent jamais à surligner les éléments fantastiques sont en grande partie l’œuvre du directeur de la photographie Peter Hannan qui enrobe le film d'une belle ambiance cotonneuse du plus doux et effrayant des songes. Et puis il faut également citer la bande originale de Colin Towns dont les douces mélodies d’implacables berceuses finiront par immanquablement nous faire monter les larmes au yeux.
Si la douce Julia avait connu la poussée abdominale de Heinlich elle aurait peut être sauvée sa fille mais nous aurait privée d'un bien joli film. Le Cercle Infernal reste l'une des plus douce et plus mélancolique exploration du deuil, un film comme une douce et funeste berceuse lancinante et implacable qui finira par nous terrasser d'émotions et de tristesse.