Marquer son époque
Il y a de ces films qui éclairent leur époque par l'intelligence du propos (le fond) ou par l'esthétisme de la mise en image (la forme). Alors, lorsque vous retrouvez ces deux éléments dans un seul...
le 21 janv. 2011
7 j'aime
Claude et Barbara ont 20 ans. Ils s'aiment, habitent à Montréal, et se questionnent sur le monde. Barbara fait du théâtre et Claude lui dit qu'elle s'agite, qu'elle fait du bruit tout autour, mais qu'elle ne vit pas.
De vie, il n'est ici question que de cela dans ce film. Les deux personnages se cherchent, se questionnent sur leur existence. Et alors ils ont tout de personnages à la Rohmer.
Gilles Groulx s'est inspiré pour faire ce film, du mouvement du cinéma direct, apparu au Canada dans les années 50-60, mouvement très proche de la Nouvelle Vague, qui se voulait une approche plus documentaire aux choses, au monde, aux êtres. Le rapport du cinéma au réel. Désacraliser l'avant. Expérimenter autre chose.
Le chat dans le sac, film alors qui occupe une place prépondérante dans l'histoire du cinéma québécois.
Un film infiniment intimiste qu'on pourrait relier au tout début du cinéma de Godard, et plutôt qu'un documentaire (comme ce qui est annoncé au tout début du film) on pourrait plutôt comparer le film de Groulx à ces œuvres de la Nouvelle Vague qui inondent la France dans les années 60. Je n'aime pas parler de documentaires. Les documentaires la plupart du temps manquent d'esthétique, ne sont là que pour filmer la réalité et la réalité seulement. Tandis que Le chat dans le sac possède une vraie esthétique, et en outre une vraie ressemblance à Masculin, féminin de Godard.
Un film qui pose d'une manière juste la question du mouvement. Comment vivre ? Comment ne pas rester à l’intellect seul du monde ? Comment agir, ne pas rester dans le flou, dans le brouillard, dans le rêve qui tourne et tourne dans tout visages ?
Et alors je m'y retrouve complètement. Dans beaucoup de choses, partout.
Ce cinéma qui à travers le réel vrille de toute part, d'une façon simple, belle, suspendue comme par un fil, aux mélodies de jazz qui viennent s'inscrire de part et d'autres des images, des plans, des dialogues, omniprésents. John Coltrane et tout s'enchaine.
Claude est un personnage qui se perd en lui-même, intellectualise tout, se cherche, cherche à changer la société, à s'engager politiquement, à écrire, mais n'y arrive pas.
Suis-je un révolté ? Oui. Suis-je un révolutionnaire ? J'sais pas.
Et les mots transpercent de toute part. Je m'y reconnais en chacun d'eux, dans ces mots balancés dans la neige Québécoise, emmitouflés dans la campagne, dans le dehors du froid où il n'y a rien. Là demeure Claude, seul.
Les personnages, comme chez Rohmer, hésitent, philosophent, intellectualisent le monde et sortent des phrases magnifiques de leur voix sublimes, à l'accent à couper au couteau. Et c'est beau de sincérité, de réalité, de spontanéité.
Et ils parlent, et parlent encore, écorchent les mots, trébuchent, hésitent et se reprennent.
Et en observant dans le même froid du monde des enfants qui jouent à la guerre, Claude pense :
La vie assimile les hasards pour en faire de la raison, de l'Histoire, du destin.
Un film qu'on peut visionner sur YouTube, en toute liberté : ici.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Critiques non lues pour films non vus, fort méconnus., Ces indicibles joyaux que j'ai (re)découvert en 2015, Pépites cachées dans l'antre de Youtube, Le cinéma de l'errance et Ça ressemble à du Rohmer
Créée
le 28 mars 2015
Critique lue 878 fois
7 j'aime
6 commentaires
D'autres avis sur Le Chat dans le sac
Il y a de ces films qui éclairent leur époque par l'intelligence du propos (le fond) ou par l'esthétisme de la mise en image (la forme). Alors, lorsque vous retrouvez ces deux éléments dans un seul...
le 21 janv. 2011
7 j'aime
Plus l’histoire du Québec s’écrit, plus le film de Gilles Groulx prend de la valeur. Au début des années 60, la quête de liberté de la jeunesse québécoise est en ébullition. On sait qu’il faut faire...
Par
le 3 janv. 2021
Du même critique
La question, d'emblée, se pose : comment trois bouts de pâte à modeler peut bouleverser à ce point le petit cœur du spectateur ? Comment une tripotée de grands yeux d'enfants fatigués et dépressifs...
Par
le 27 oct. 2016
30 j'aime
D'abord, la nuit. La nuit avec ses rues glauques, ses voitures balayant les jets d'eau venus nettoyer les vitres sales. D'abord, la nuit. Avec ses putes à tous coins de rues, ses camés, drogués,...
Par
le 2 mars 2015
28 j'aime
10
Bagdad Café ou l'histoire d'une époque, de celle défroquée d'une Amérique souillée, paumée, au comble de l'absurde. C'est ce café qui ne sert plus de café parce que l'un des mec a oublié de racheter...
Par
le 18 mai 2016
27 j'aime
10