Boule de Swift
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Qu'il est dur d'écrire une critique sur un film qu'on a aimé, qui nous a changé, et qui a contribué à faire de nous la personne que l'on est, comme c'est le cas du Château dans le Ciel pour moi... je ne dirai donc pas grand chose, à part qu'après avoir revu ce film une dizaine d'années après son premier visionnage, lorsque j'étais enfant, et dont je ne gardais jusqu'ici que quelques bribes en mémoire, je suis convaincue que Le Château dans le Ciel a contribué à me donner le goût de beaucoup de choses: la poésie, de la nature comme des relations humaines, le goût de la transcendance, si joliment symbolisée par ce royaume des cieux qui jamais ne se mêle aux humains, le goût du beau, et le goût du symbole.
Car les films de Miyazaki, dont la poésie a été tellement vantée et avec raison, sont truffés de symboles, qui qu'on le veuille ou non, résonnent en nous lorsque nous les voyons - entrant en résonance avec nos propres vies, nos propres expériences, voire même avec nos propres situations. Et j'ai vu en ce film un magnifique hymne au passage à l'âge adulte, celui où l'on se coupe les tresses comme pour dire au revoir à l'adolescence, celui où l'on découvre avec douleur que nos illusions ne sont parfois pas la meilleure voie pour nous, celui où l'on arrive enfin à dire au revoir à notre famille, à nos racines enfin mises au jour, ayant brisé leur carcan rocheux, comme celles de Laputa, et dont la connaissance nous permet alors de nous envoler vers de nouveaux cieux.
Le Château dans le Ciel, c'est donc mon Peter Pan à moi ; car ces deux gamins qui se croisent, l'un passant des mines au cieux, l'autre tombant du ciel pour y retourner, sont finalement bien deux personnes qui s'aiment et apprennent à devenir adulte ensemble. Et comme beaucoup de personnages chez Miyazaki, ils s'aiment avant même de se connaître, les films de Miyazaki ayant cela de magnifique qu'ils n'explicitent jamais vraiment la nature de l'amour qui lie leurs personnages, rendant l'identification d'autant plus facile et agréable.
Car leur désir d'ascension est celle, je pense, de tout un chacun: retrouver cette tour de Babel mythique, cet Eldorado qui autrefois était un lieu d'épanouissement, mais qui n'est plus que ruines attendant d'être vues comme telles... ainsi Miyazaki joue sans arrêt sur le motif de la verticalité, nous montrant qu'on n'est jamais perpétuellement en ascension ou en chute, et que notre place n'est pas nécessairement dans un au-delà caché dans les cieux, mais peut-être bien ici-bas, sur Terre.
Et le film se conclue sur cette note triste et néanmoins réaliste: ce retour inévitable à l'immanence après le rêve, après cette transcendance que nul humain ne peut en réalité vivre plus d'un instant. Ne dit-on pas down to earth en Anglais pour ces personnes qui savent vivre sur Terre sans être victimes de leur imagination débordante?
Le Château dans le Ciel est donc l'odyssée de deux jeunes adultes qui font ainsi un saut dans le rêve, dans le mythique, dans le transcendant, avant de redescendre sur Terre, down to earth, berçant leur infini sur le fin des mers, comme une dernière Chute - qui n'est paradoxalement que leur élévation la plus totale. Et cette Chute magnifique restera gravée très longtemps en moi.
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le 1 juin 2020
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