Ce qui fait du "Château dans le ciel" mon Miyasaki préféré ? Certainement sa propension à s'adresser directement à nos rêves. Avec ses espaces infinis, ses aventures aériennes portées par des vents furieux, cette cité merveilleuse suspendue dans les nuages, ses personnages romantiques et courageux poussés par une quête universelle : "découvrir qui l'on est". La tête dans les nuages mais toujours bien ancrée au sol, l'histoire pourrait être résumée comme ça. On est éblouit par un film d'animation onirique et très esthétique, qui ne perd pour autant jamais de vue son sens profond, qui sait exactement où il veut aller, à l'image de ses personnages.
Mais avant de parler du fond, j'aimerais tout de même porter un énième hommage à la beauté des images, qui dès les premières minutes nous enveloppent dans un petit cocon ouaté, dans un ciel de nuages contrastés et dorés, qui ne nous quittera plus avant la fin du film. Et ces espaces aériens infinis sont encore magnifiés par la capacité des personnages à surfer sur leur immensité, à toute vitesse, grâce à de petites machines volantes semblables à de drôles de libellules. Cependant, le ciel n'est pas la seule source d'émerveillement : il y a la terre aussi, et ses galeries sous-terraines étincelantes d'où provient la plus grande richesse qui soit, le Cristal de pierre volante. Mais finalement, que l'on soit dans le ciel ou sur terre, la verticalité est la même : entre les puits de mine sans fond, les villes adossées aux falaises, les rails de chemins de fer portés par le vide... Le ciel est présent partout.
Bon, c'est pas tout me direz-vous, parce que bénéficier de belles images c'est bien mais encore faut-il qu'elles soient adossées à une histoire à leur mesure. Ainsi, le premier personnage que nous rencontrons est Sheeta, une jeune fille tombée du ciel suite à l'attaque de son dirigeable par des pirates de l'air et sauvée par un mystérieux pendentif qui amortira sa chute, pour la déposer saine et sauve dans les bras d'un jeune ouvrier minier. Puis vient Pazu, le fameux ouvrier, un jeune aventurier romantique qui n'aspire qu'à s'élever dans les airs et découvrir Laputa, une île légendaire flottant dans l'espace. Voilà comment se croisent les destins des deux protagonistes, l'un tombant, l'autre ne rêvant que de s'envoler, et entre lesquels naîtra un lien très ambigu, emprunt à la fois d'amitié et d'amour.
Une fois les bases établies, l'aventure se met en route et débute alors la quête de ces deux orphelins, véritable chasse au trésor, à savoir : prouver l'existence de Laputa. Le tout dans un univers dénué de tout manichéisme, où les pirates persécuteurs se font compagnons de route et les robots destructeurs, protecteurs de petit nids d'oiseaux. Oui dit comme ça, cela parait complètement loufoque, mais conté avec la poésie d'Hayao Miyasaki je vous assure que ça n'a rien à voir. D'ailleurs, on retrouve bien les thèmes chers au réalisateur, comme cette grande idée de la Nature, qui reprend le dessus sur la technologie, mais aussi son amour pour les femmes, toujours au centre du récit dans des rôles qui subliment leurs personnages. Ou encore cette notion de pacifisme, alors même que son récit dépeint la quête d'un pouvoir inconnu, attirant bon nombre de militaires à la baïonnette saillante et aux technologies de destruction toutes plus inventives les unes que les autres.
Personnellement, au-delà de tout ça, ce qui m'a vraiment touchée dans le film, c'est la relation entre les deux protagonistes. Ces enfants qui s'accrochent l'un à l'autre comme des désespérés, partageant un amour pur et inconditionnel, Pazu disant par exemple à Sheeta : "quand tu es tombée du ciel, mon cœur s'est envolé, comme si quelque chose de merveilleux venait de commencer". C'est rare tant de sentimentalité chez Miyazaki; mais c'est tellement réussit. L'humour, également ! J'ai passé la plus grande partie du film un sourire collé aux lèvres, tout simplement parce que c'est beau, intelligent, doux, aérien, léger... D'autres moments m'ont même carrément fait rire de bon cœur, je pense encore à la scène où un pirate regarde Sheeta l'air dépité et murmure "qu'est-ce qu'elle est jolie; oh j'arrive pas à le croire, quand je pense qu'elle va devenir comme maman !"...
Et enfin cette conclusion pleine d'esprit, qui vient nous rappeler que le bonheur ne se trouve pas dans le ciel et ses promesses utopiques, mais bien ici-bas, quelque part dans nos relations avec les autres... Voilà, ce que je m'évertue à vous faire entendre, c'est qu'à tous points de vue, ce film est un véritable chef-d'oeuvre.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mes coups de coeur