Si le film prend se positionne dans les années 1920, celui-ci a été sorti en 1967, sous les premières années Brejnev. Pour rappel, Brejnev est alors président du Soviet Suprem depuis 1964 et va le rester pendant 18 ans. Brejnev est souvent représenté comme l'idiot parmi les dirigeants soviétiques : infantile, corrompu et fanfaron théâtral, mais aussi paresseux, lâche et simple d'esprit. Un peu comme si Balkany avait rencontré Trump.


Pendant, la période, le pays allait "bien" et tournait grâce à la dette, mais la censure ainsi que le musellement des oppositions politiques allaient bon train après des tentatives sous Krouchtev de créer un environnement plus apaisé et un peu plus ouvert. Il est souvent admis que c'est sous Brejnev que le système communiste touchera les limites qui le conduiront plus tard à son éclatement.


C'est assez important parce que le film qui nous intéresse ici sera interdit par la censure et mettra vingt ans avant de pouvoir être visible. Et pour cause ce film se fait la critique d'un communisme exacerbé qui, s'il n'est pas exempt de bonnes idées et porteur d'espoir, apparait aussi comme un système concentrateur et paranoïaque.


On est tous dans le même bateau train


Ou comment réunir les abimés de la révolution en un seul point, comme un voyage vers un lieu quelconque pour fuir les barbouzes de la révolution, des extrêmes qui sillonnent alors le pays en quête d'opposants à la révolution à supprimer. La révolution n'est plus, corrompue des mêmes défauts que ceux qu'elle prétendait remplacer.


Ces gens y croyaient tous à la révolution, à l'avenir, au progrès. A l'illusion s'est remplacé la réalité de ceux qui n'ont plus rien. Du fermier ne possédant que sa vache, du soldat réformé, du paysan chrétien (il est présenté comme tel) chassé pour ses croyances, du savant qui cache ses lunettes pour échapper aux exactions qui touchent les milieux scientifiques et littéraires afin que ceux-ci soient plus commu-compatibles "aujourd'hui on tue pour une paire de lunette".


Victimes accablées d'un mouvement qu'ils avaient alors provoqué et soutenu pour ensuite en subir la vindicte jugée nécessaire pour l'établissement d'un avenir meilleur libéré du joug des scientifiques impéralistes et de la religion arriérée contre un athéisme scientifique, d'ailleurs aujourd'hui on dirait simplement scientisme.


L'opium du peuple


Tient d'ailleurs parlons-en de la religion, sous Brejnev les religions sont particulièrement brimées, et les règles légitimant les persécutions en priorité contre les chrétiens et qui n'étaient alors que des consignes plus ou moins officielles deviennent des lois.


L'athéisme faisant office de religion d’État, il est bien compliqué pour le jeune homme du deuxième volet ayant biberonné à l'éducation soviétique du film de comprendre comment une vieille dame peut mettre son existence entre les mains d'un dieu qui n'existe pas à quoi celle-ci retoque que ce n'est pas tant pour sa vie qu'elle prie mais pour la nature et les gens. Son existence, elle la doit bien plus à une vie de labeur sur une terre qui ne produit plus rien.


Le second volet nous parle d'alcool, loin de n'être qu'une boisson pourtant extraite d'une nourriture dans un village qui semble en manquer, il apparait aussi comme le liquide qui alimente les machines, le fournisseur d'électricité, la modernité, la continuation d'un progrès mécanique.


Ce second volet plus nuancé donne un temps voix au chapitre à la jeunesse soviétique : les machines peuvent être inutiles si elles sont mal utilisées et doivent servir au bien commun. C'est le peuple qui s'unit alors pour faire face à l'adversité et aux terres arides où rien ne pousse en remplaçant une machine publicitaire en pompe à eau. C'est l'espoir qui nait, la poursuite du progrès pour le bien commun, le peuple qui pousse dans un sens pour sortir de l'adversité.


Un espoir détruit lorsque la pompe vient à exploser, tous les espoirs réunis dans une vieille moto poussive transformée en pompe à eau, à l'instar d'un système communiste plein d'espoir et de bonnes idées mais corrodé, à bout de souffle, incapable d'être à la mesure de sa charge.

Crillus
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le 20 janv. 2022

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