Le duel de trop
L’Histoire retiendra sûrement que la carrière de Ridley Scott a commencé avec des Duellistes et qu’elle s’est finie sur un Dernier duel… …un duel de trop. Alors oui, bien sûr, d’autres films du...
le 13 oct. 2021
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La soirée ne pouvait pas mieux commencer, après m'être enfilé un bon triple cheese, mes comparses et moi nous dirigeâmes vers le cinéma du coin. Après le visionnage du Dernier Duel, les personnes que je considérais comme des frères firent part de leur enthousiasme quant à ce dernier. C'est alors que je me suis demandé si j'avais de la merde dans les yeux, après mûre réflexion, il s'avère que la merde était à l'écran. Trêve de plaisanteries.
Full spoilers
L'histoire aurait été tellement belle pour Mr Ridley Scott (oui tout de même Mr), près de 45 ans après Les Duellistes, que l'un de ses derniers films referment le cercle d'une carrière qui sans conteste, aura rapidement atteint son apogée, avant de connaître les montagnes russes.
Commençons par les (le?) points forts du film : la reconstitution historique est très bonne, pas parfaite, mais vraiment intéressante, j'arrivais à sentir cette odeur de défection tout au long du film. On est au 14e siècle, sans hésitation possible. Alors je ne suis pas un spécialiste d'histoire, l'anachronisme de son Gladiator avait fait bondir les professeurs, mais pour l'amateur que je suis, l'univers et l'ambiance du film me transportait à la bonne époque. Sans savoir si Le Dernier Duel est historiquement juste ou erroné, j'ai le même sentiment pour ce film.
La première scène du film, bien que pas très agréable à regarder, donne le postulat du film qui est assez "excitant" : il y aura duel, le film nous propose de découvrir pourquoi.
Fin des bons points. Début des hostilités.
Premièrement, je trouve le développement des personnages très approximatif. L'"amitié" de Jean et Jacques, dont on ne sait pas s'il s'agit de reconnaissance ou de relation envieuse, est très mal expliquée, trop peu de rencontres entre eux pour apporter de la nuance à celle-ci.
-Jean sera le bourru (cette tête avec un mulet et des cicatrices apparentes suffisent à comprendre), animé que par l'ambition et la vanité. Ne voyant que dans le viol de sa femme, le déshonneur que ça porte sur lui, et ne réclamant justice que pour lui, non pour elle.
-Jacques sera l'opportuniste, menteur qui croit que ses nouvelles fonctions lui permettent d'abuser d'une femme. Le mot "flagorneur" est prononcé à un moment, il est pour le coup, très bien choisi.
Ces deux personnages sont ainsi au début du film, ils le seront tout autant à la fin.
Petite mention au personnage de Ben Affleck qui ne sera que le puissant condescendant partouzeur.
Le personnage le plus intéressant est bien Marguerite de Carrouges, femme de Jean et supposément violée (hypothèse qui sera confirmée bien trop vite à mon sens). Portrait d'une femme tentant de s'émanciper difficilement de son époque et du statut qui est le sien : "femme DE". Malheureusement, son intérêt ne se résume qu'à savoir si oui ou non, il y a eu viol, si c'est elle qui a "allumé" Jacques. Notons que c'est le seul personnage pour qui on a de l'affection. Cela aurait été vraiment chiant qu'après s'être faite violée, elle se fasse tuée parce que son con de mari perd son duel.
Deuxièmement, pour répondre à la question du supposé viol, le film va utiliser un stratagème répandu au cinéma : l'effet Rashōmon. D'abord du point de vue de Jean, puis de Jacques et enfin de Marguerite qui détient LA vérité. Petit problème, cet effet ne fonctionne absolument pas dans le film, pire, il est inutile.
Je m'explique, commencer par Jean est pertinent, lui ne connaissant pas la vérité.
Le deuxième chapitre traite le point de vue de Jacques Le Gris. Cependant, la vérité est révélée lors de ce deuxième chapitre, rendant l’intérêt du troisième chapitre quasiment nulle.
Je ne comprends absolument pas l'usage de cet effet pour ce film, l’intérêt de cet artifice de narration étant de raconter une même situation, soit en changeant la vérité lors des différents points de vue, soit en traitant la vérité selon différents contextes et situations des personnages. Ici, la vérité ne change pas (c'est pas le changement d'une phrase et d'un baiser qui change le nœud central de l'intrigue) et les points de vue de chacun sont tels qu'on les attend et n'apportent rien du tout à l'histoire, et encore, j'ai eu beaucoup de mal à distinguer les subtilités des points de vue.
Petit mot sur la double présence de la scène de viol. Comme si dans le point de vue de Jacques Le Gris, on n'avait pas compris que c'était un viol. Si du point de vue du violeur, on constate que c'est bien un viol, comment dans le point de vue de la victime, pourrait-elle ne pas le ressentir comme un viol ???? Je ne comprends pas du tout l'utilité de montrer cette scène deux fois. Mais cela respecte la ligne directrice du film : répéter les scènes qui veulent raconter exactement la même chose. Peut-être que le but de ce doublon sert à Ridley de pouvoir marteler son discours féministe toutes les 30 secondes. Je n'ai aucun problème à entendre ce discours mais le mec arrive avec des gros sabots et une subtilité digne d'un Bigard en roue libre. J'ai cru qu'un bandeau défilant "le viol, c'est mal" allait apparaître à l'écran. Il a peut-être voulu éviter un scandale que le film aurait malheureusement apporté (dans la société actuelle) mais c'est vraiment indigeste à regarder et à suivre.
Pour continuer, visuellement, le film n'est pas très beau. Je mentionnais précédemment la première scène du film : ce travelling flou sur le public, ça pose les bases. Les désaturations de couleurs (marque des films médiévaux en général, ils vivaient dans le gris les mecs ?), parti pris artistique, d'accord, mais ça n'apporte rien au récit et c'est de plus, dégueulasse à regarder. Cela fait tout de même plaisir de voir un jardin avec un vert "normal" dans la dernière scène, ça dure 10 secondes, super.
Qu'ils sont loin les plans inoubliables d'Alien, de Blade Runner ou même de Thelma et Louise.
Avis neutre concernant le jeu des acteurs, ni mauvais ni exceptionnel.
Je rajoute un point que j'ai aimé, la scène du fameux duel. Deux hommes se battant pour un combat à mort, dans une arène, devant un public, rappelle la scène d'affrontement final de Gladiator. Même les chorégraphies de combat se ressemblent entre les deux films. Petit clin d'oeil qui m'a plu.
Pour conclure, il ne me restera comme souvenir de ce film qu'une séance pénible.
Conscient d'être à contre-courant de l'avis général du public et après avoir lu toutes les critiques positives, et muni d'une réelle bonne volonté de comprendre ce que j'ai manqué, je n'y arrive pas.
Pour moi, ce n'est pas un film mineur de Mr Scott, ni une maladresse, juste un raté que je ne reverrai pas. Aller voir Barbaque de Monsieur Fabrice Eboué ce soir-là aurait été une utilisation plus optimale de mon temps.
Claudy Focan
Créée
le 15 oct. 2021
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