Auto-sabordage par le féminisme (le seul moteur quand le point de vue devient obtus)

Les beaux efforts du film et sa volonté de croiser les subjectivités se gâtent avec la troisième contribution ; je ne m'attendais pas à quelque chose de si outrancier et victimaire, conforté par quelques détails fleurant l'anachronisme (sur la religion) dans la conclusion. Les trois individus sont favorisés par leur version, mais la perspective de la femme frise l'absurde, même avec les nouveaux éléments choquants (la réaction de son mari à l'aveu).


Tant de difficultés, d'abus et de mauvaises humeurs tombent sur cette femme si dévouée et perspicace ! Sauf que si les deux hommes ont leur version des faits, Marguerite a tendance à carrément en occulter : toutes les échanges entre elle et Le Gris ont disparu du troisième tiers, il serait donc quasiment tombé du ciel le jour du viol ! Ce film ouvertement féministe pratique-t-il l'auto-sabotage ou l'aveuglement volontaire ? Car en-dehors des nuisances propres à ce parti-pris, la confrontation des subjectivité et de la vérité concrète est soignée et porte ses fruits (notamment quand Le Gris, conforme à lui-même, revendique son innocence).


La seule part de mystère (il n'y en a pas concernant le crime) concerne la relation 'entière' des deux hommes, dont le lien fort est mentionné mais déjà brisé quand le film commence ; la rancœur est du côté de Jean le redneck (il me fait penser à un Bush junior post-greffe de dignité) et donc joue probablement dans la hargne de ce chevalier ostracisé, mais pas dans les agissements de Le Gris. Celui-ci apparaît comme un opportuniste cochant toutes les cases vénérables de la réussite (à la fois doué, aventurier, 'self-made-man' haut-gradé pour sa qualité) atteint de turpitudes morales insoupçonnables vu de l'extérieur ; il est le seul à ne pas se voir comme un prédateur insouciant.


Le dernier duel est un splendide gâchis dont l'intérêt et la richesse sont continuellement galvaudés dans la deuxième moitié – le film reste brillant, avec une couche d'inanité par conviction (et une emphase sur la communauté silencieuse de femmes heurtées par ce procès – mais aussi l’ambiguïté de leur collaboration avec l'ordre régnant, amalgamé avec le patriarcat, ce qui rend la reconstitution si fameuse nivelée par les projections contemporaines). Comme d'habitude avec les anglo-saxons le roi français est dégénéré – on prend de l'avance sur la chronologie de la déchéance de Charles VI.


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Zogarok

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