Un western "spaghetti" honnête et divertissant
Qui se souvient aujourd'hui de Tonino Valerii ? Honnête artisan du cinéma italien de la belle époque, il a traversé les époques et les genres. Son film le plus marquant reste Mon nom est personne (1973), qui a été cannibalisé par le maître Leone dans les mémoires, à tort. En effet, si Leone a réalisé quelques scènes de l'ensemble (les plus faibles) il a surtout agi en tant que producteur ... Dommage que Valerii, certes infiniment moins doué que son mentor, ne se soit pas détaché de l'ombre tutélaire du génie romain.
Mais revenons aux années 60 ...
A une époque ou la stratégie du filon était payante en Italie et dans le monde, le succès sans précédent de la trilogie du dollar de Sergio Leone a entraîné la production de dizaines de westerns dit "spaghettis." Contrairement à l'idée reçue, ces films ne sont pas tous des navets, il existe même de nombreuses perles malheureusement méconnues. Des réalisateurs comme Sergio Corbucci, Sergio Sollima, Enzo G. Castellari ou Antonio Margheriti ont signés des œuvres souvent esthétiques et originales.
En 1967, en pleine western mania, Tonino Valerii, ancien assistant réalisateur de Sergio Leone, sort son deuxième film : Le Dernier jour de la colère. Le film prend la forme d'un récit initiatique qui suit la trajectoire d'un jeune paumé qui sera formé par un chasseur de prime sans scrupules. Si le scénario est assez classique, empruntant beaucoup au western américain comme à Quelques dollars de plus de Leone, il se suit aisément et sans déplaisir. Le moteur de l'intrigue est la relation dominant/dominé, élève/maître qui va s'établir entre les deux protagonistes principaux. Tout la saveur de l'histoire réside dans le retournement de situation progressif. Le film se transforme peu à peu en une version westernienne de Frankenstein, la créature échappe à son créateur ... On pourrait aussi voir le film comme une métaphore sociale, une sorte de revanche de l'ouvrier, du rebut de la société. Une troisième grille de lecture serait d'interpréter ce long métrage comme une relecture de l'histoire de César et Brutus. A vous de choisir. Dans tous les cas, le film porte un un réel contenu cinématographique et ne se contente pas d'aligner les scènes de duels, comme trop de productions produites à l'époque.
Il faut dire que le Dernier Jour de la Colère est servi par l'interprétation tout en retenue et en charisme de Lee Van Cleef, un acteur injustement moqué par la critique. On a souvent dit que Van Cleef était meilleur en muet qu'en parlant ... S'il est vrai que l'acteur est d'abord et avant tout une présence et un regard, il ne démérite pas dans les scènes de dialogue. Son personnage semble être le versant noir du Colonel Mortimer de Et quelques dollars de plus. Un chasseur de prime vieillissant, trop sûr de lui et brutal pour arriver à ses fins. Guilano Gemma, s'il est moins magnétique, s'en sort avec les honneurs. Le reste de la distribution est à l'avenant. Parmi les seconds rôles notables, on citera les "gueules" du western italien que sont Benito Stefanelli et Al Mulock.
Tonino Valerii filme l'ensemble avec goût sans tutoyer les hauteurs de Leone, il est aussi aidé par la partition inspirée de Riz Ortolani. Le duel final est à mi-chemin entre les duels leonien et les affrontements plus classiques du western américain, confirmant la double influence de Valerii. Parmi les rares défauts, on notera certains décors kitchs notamment à la fin et l'absence de souffle épique.
Au final, Le Dernier Jour de la colère s'impose comme une œuvre réussie et l'un des meilleurs westerns italiens de la période.