Le Divan de Staline relève, dans sa forme, du mauvais théâtre filmé, comprenons d’une approche atrophiante du cinéma qui réduit la mise en scène à un rôle d’illustration et l’espace à celui d’un plateau de jeu – aux antipodes, par exemple, de la démarche esthétique d’un Sacha Guitry. La qualité des dialogues, issus pour certains du roman ici adapté de Jean-Daniel Baltassat, transparaît néanmoins grâce à une attention portée aux comédiens, quoique curieusement dirigés : le filmage en gros plans présente l’intérêt de sonder l’intériorité tourmentée des personnages principaux (Staline, sa maîtresse Lidia et Danilov, un jeune peintre) en scrutant le vide d’un regard, la fugacité d’une expression faciale, le silence. Le long métrage délaisse progressivement la matérialité – celle d’une assiette que casse involontairement une domestique – et gagne l’abstraction, synthétise des sentiments aussi contradictoires que la peur, l’ambition ou même l’amour, s’interrogeant sur la fidélité du reflet de soi réfléchi par la psychanalyse. Le huis clos révèle trois solitudes que les rapports d’autorité enferment dans des clichés synonymes de souffrance, jusqu’au « non » prononcé par Lidia ; sa matière littéraire l’élève au rang de fable engagée dans une réécriture de Der blaue Engel (Josef von Sternberg, 1930), disposant du même triangle amoureux et d’une caractérisation similaire des protagonistes. Voilà donc une curiosité certes imparfaite mais intelligente, méritant considération.