Clank
Même s’il existe des bougons écœurés au sens étymologique du terme que toute cette émotion mécanique débecte, je reste persuadé qu’à côté d’eux battront en chœur un millier de petites pompes...
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le 12 janv. 2014
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Second couteau de cartoons américains pendant plus de 20 ans, notamment sur la série les Simpsons, Brad Bird se fait connaître à la fin des années 1990 avec son premier long-métrage d’animation : Le Géant de Fer. Adapté d’une nouvelle de Ted Hugues de 1968, cette adaptation au cinéma grand public fut l’un des premiers films d’animation que j’ai pu voir étant petit, une des rares VHS qu’il me reste de mon enfance et qui ne soit pas estampillé Pokémon. C’est avec un tout autre regard que j’ai revisionné le film pour lequel j’avais de bons souvenirs, ne m’attendant certainement pas à en faire autant d’éloges dans la critique présente.
Le contexte de paranoïa en début de guerre froide alors qu’un Robot géant venu d’ailleurs perturbe le quotidien d’un jeune garçon américain faisant sa rencontre et dissimulant le secret par peur des conséquences, ça ne paraît pas si adapté à du divertissement grand public, et pourtant l’adaptation est tout d’abord exemplaire en ce sens. Se réappropriant des idées scénaristiques comme celles d’E.T de Spielberg pour des instants de comédie insouciante avant de relever les enjeux avec plus drame et de maturité sans jamais aller trop loin, l’équilibre est parfait à mon sens.
Le protagoniste aide sans doute bien avec le fait que l’on suive l’histoire quasi-exclusivement de son point de vue, lui qui affiche tellement de centres d’intérêts universels aux enfants, tout particulièrement occidentaux, avec ses figures héroïques issus des comics, son attrait pour l’interdit, son sentiment d’être différent des autres et incompris… et qui porte des valeurs universellement valorisées telles que le courage, l’intelligence, la bonté… Je pense que c’est une excellente mécanique d’identification pour le public visé sans enfermer le récit dans un ton trop enfantin.
Ainsi, lorsque le film remplira le cahier des charges du robot géant face aux militaires G.i dans un film américain à gros budget, ça sera avec certes le sens du spectacle, mais aussi avec le sens scénaristique qui le justifie et le ton qui le permet sans paraître invraisemblable. Cette cohérence traverse tout le récit avec toutes ces petites scènes que l’on pourrait croire de remplissage alors qu’elles introduisent un élément scénaristique pour la suite, comme les photographies faites par Hogarth du robot, les répliques qui seront réutilisées telles quelles dans un autre contexte par un autre personnage l’ayant écouté, comme l’ordre de laisser l’autre partir seul...
Le scénario parvient avec brio à traiter bien des thématiques intelligentes comme le libre-arbitre étant ce qui nous définit particulièrement au-delà de ce que l’on peut être physiquement, le cercle vicieux de la violence entraînant la violence étant une impasse à éviter, les difficultés sociales rencontrées par une mère célibataire devant travailler et élever son enfant sans aucune aide, le progrès scientifique dont l’utilité dépend avant tout de son utilisation, les conséquences fâcheuses d’un mode de pensée xénophobe, l’art comme étant une source de beauté et une dimension profondément humaine… Même des thématiques aussi dures que le deuil sont abordées sans ménagement et en respectant toujours le ton du film, il n’y a vraiment rien à redire.
La fin m’avait ému au plus haut point étant petit et même adulte, le moins que je puisse dire c’est que je n’y suis pas insensible :
La « mort » supposée du géant est bien entendue une mécanique un peu superficielle et facile a priori mais plusieurs choses le nuancent bien. Tout d’abord, sa mort est justifiée, le géant a commis des actes de violence, des actes contre les enseignements du récit, il doit être sanctionné pour que le message pacifiste soit cohérent, mais comme on est dans un film d’animation visant aussi les enfants le faire définitivement mourir pour ça aurait été vraiment limite, le compromis de la mort supposée pendant un bon moment avant la révélation des derniers moments est plutôt bien pensé.
De plus, l’intensité dramatique atteint véritablement un pic lors de cette scène et je pense sincèrement que ce film ne serait pas aussi réussi malgré toutes ses qualités s’ils n’étaient pas allé jusque-là. Si tout avait été résolu de façon un peu miraculeuse et que la vie reprenne son cours sans conséquence, je ne pense même pas que le film m’aurait marqué. L’émotion mélancolique que j’ai ressenti lors de cette scène est probablement l’une de mes premières devant une œuvre de cinéma, qu’importe que la mort ne soit au final pas réelle par le récit, elle m’a paru crédible sur le coup et le soulagement que sa survie procure n’enlève que peu à la superbe de cette fin.
Le seul reproche que je ferais à ce récit c’est simplement que l’antagoniste principal soit autant tourné en ridicule et si peu nuancé dans ses motivations profondément égoïstes, ça cristallise tout ce que le récit dénonce et c’est donc un choix très cohérent, mais un peu facile. De la même manière, on pourrait reprocher quelques blagues un peu vulgaires et faciles sur le fait de se retrouver l’espace d’un instant sans son pantalon en public, mais l’humour étant tellement efficace et bien fichu la plupart du temps avec un chouette montage que je n’en tiendrai pas plus rigueur que ça.
Le Géant de Fer est l’un des derniers gros films d’animation américain en 2D avant que la 3D ne s’impose dans les années 2000 et on sent une excellente maîtrise de ce type d’animation, à travers tous les mouvements qu’il peut y avoir à l’écran en même temps, les jeux de lumière et d’ombre très bien rendus, la petite gourmandise avalé en express avec ce qui reste barbouillé autour des lèvres... C’est tout particulièrement notable pour un premier film de réalisateur, avec certes un budget de près de 70 millions de dollars mais tout de même.
Pour enfoncer le clou, plusieurs plans très esthétiques marquent de leur superbe, la main robotique s’approchant délicatement du museau d’une biche, la marche sous la nuit étoilée perchée au-dessus des arbres, le soleil embrasant ciel et mer au crépuscule, la neige tombant délicatement alors que la mélancolie grandit… Absolument rien n’a vieilli visuellement avec les années à mes yeux et c’est pour moi une preuve indéniable de cette belle réussite esthétique en plus de cette maîtrise technique.
Dévoilé progressivement avec beaucoup de maîtrise, le design du robot est à la fois plutôt générique mais plutôt bien pensé, faisant écho aux robots du château dans le ciel de Miyazaki. Au fur et à mesure de la progression du récit, ses animations progressent également pour lui faire témoigner des émotions, des sentiments… en toute cohérence, notamment pour les mouvements de mâchoire et des yeux. Les choix de mise en scène, le concernant lui la plupart du temps, me paraissent très pertinents, aussi bien pour le rendre imposant que ridicule selon la scène.
L’OST composée par Michael Kamen, à la carrière déjà bien renommée et diverse depuis les années 1980 avec l’OST de Brazil, de Die Hard, de Robin des Bois… arrive très bien à soutenir efficacement les registres comiques et mélancoliques, mais aussi, et c’est peut-être bien là sa particularité la plus notable, dans le registre anxiogène. Du côté des doubleurs, aller chercher un Vin Diesel pour jouer un personnage badass mais rassurant et une Jennifer Anniston pour jouer une mère de famille attachante, il n’y a certes pas de prise de risque mais en même temps le résultat est là.
Je pensais revoir un film d’animation sympathique pour lequel mes souvenirs étaient peut-être enjolivés, à la place j’ai redécouvert un récit intelligent et bien construit parsemé d’éléments de divertissement aussi bien dans le spectacle que dans l’humour, servi par une animation maîtrisée et un esthétisme soigné, parfaitement adapté à son public sans s’y restreindre. Je vois là un véritable chef d’œuvre de l’animation occidentale de son époque et je suis heureux d’avoir pu le découvrir étant jeune avant de le redécouvrir adulte.
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Créée
le 28 févr. 2020
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