Le Havre par Roland Comte
Dieu sait combien, en tant que citoyen, je ne peux que souscrire sur le fond au propos d’un tel film tant je suis opposé à la politique actuelle de l’immigration et au tour « vichyste » que prend cette politique[1]. En cela, je peux comprendre le parti-pris de faire de Darroussin (merveilleux dans Les neiges du Kilimandjaro un quasi-gestapiste, ou de Jean-Pierre Léaud une caricature de ces dénonciateurs anonymes qui fleurissaient sous Vichy. Je ne me fais aucune illusion sur la possibilité que de telles situations se reproduisent, hélas, à l’identique, même et alors que notre pays n’est pas soumis (du moins pas encore !) à une dictature totalitaire.
Mais, ce qui m’a gêné, dans ce film, c’est le choix de ses décors misérabilistes, années 50, qui édulcore son propos alors que son film aurait gagné en crédibilité s’il l’avait tout bonnement filmé dans des décors contemporains avec toute la violence crue de notre époque.
Si je peux comprendre que le réalisateur ait fait parler André Wilms – qui est par ailleurs un grand acteur - comme une parodie d'écrivain, je ne comprends pas quelle était la nécessité de faire ânonner ses autres acteurs comme des débutants ? Tout cela sonne faux, comme sonne faux le « sauvetage » du gamin, la guérison miraculeuse d’Arletty que l’on croit morte et qui est ressuscitée, le comble étant l'image du pommier en fleurs saluant le retour de Marcel et d'Arletty à la maison ! J’ai prié, jusqu’à la dernière image pour qu’une telle situation mélodramatique voire vaudevillesque ne se produise pas, et, à mon grand regret, cela s’est produit.
Non, je regrette, mais pour moi Kaurismäki n’a pas démontré, dans ce film, qu’il était un cinéaste de talent. Le seul jeu d'acteurs que j'ai aimé dans Le Havre est celui d'Yvette et de Claire, rayonnantes de chaleur et d'amour du prochain comme seuls savent l'être les gens simples, bons et authentiques. Mais tout le reste est tellement "téléphoné" que c'en est parfaitement ridicule.
Dussé-je en prendre plein la gueule (car les attaques ne vont pas manquer comme chaque fois que je me permets de critiquer un cinéaste « reconnu »!), je vais donner mon opinion sur ce film. Comme j’ai vu hier Les neiges du Kilimandjaro et qu’il n’est pas hors de propos de comparer les deux films qui, sur le fond, traitent de sujets de société qui nous préoccupent tous, le chômage, la pauvreté (voire la misère qui touche de plus en plus de Français), je peux faire la différence entre un cinéaste de talent (Robert Guédiguian) et un cinéaste moyen, voire mauvais, comme Kaurismäki.
En conclusion, j’ai trouvé ce film ennuyeux, ses dialogues insipides (à part la lecture que fait Yvette à la mourante lors de sa visite à l'hôpital, mais le cinéaste nous montrant la couverture : Kafka, nous comprenons, hélas, que le texte n’est pas de lui), le jeu des acteurs artificiel, les prises de vue nulles (chez Guédiguian, où que l’on se place, on voit la mer ou on la devine), le phrasé laborieux, la grotesque parodie du vieux rockeur… le juke-box, les enregistrements "d'époque", etc., etc. Et par-dessus tout, ce qui pour moi fait un bon film, le savant mélange entre rire et larmes (ou émotion) est totalement absent de ce film qui n’est qu’un pensum lourdingue et ennuyeux.
[1] J’ai écrit ce commentaire après avoir vu le film lors de sa sortie en salles. Nous étions alors sous le régime sarkoziste, Claude Guéant étant ministre de l’intérieur en remplacement de l’ignoble Eric Besson, précédent ministre de « l’identité nationale ». Je dois dire que depuis, hélas, les choses n’ont pas changé si ce n’est en pire, le premier ministre du président « socialiste » François Hollande, que j’ai contribué à faire élire, Manuel Valls. Depuis deux ans, la situation des droits de l’homme dans notre pays ne s’est pas améliorée et ce n’est certainement pas la mort de Rémi Fraisse lors de manifestations contre le barrage de Sivens, une « tache indélébile sur l’action du gouvernement », comme l’a justement dit Cécile Dufflot, qui me fera changer d’avis.