Le Jumeau a quelque chose de boiteux, d’imparfait et pourtant d’attachant, à l’instar de l’escroc qui s’improvise frère de lui-même dans une mise en abyme identitaire que le cinéaste construit progressivement : le passage de l’un à l’autre, s’il sert un projet financier, constitue davantage l’occasion d’un jeu de rôles qui sera redistribué parmi la gent féminine lorsque celle-ci aura découvert le pot aux roses. Aussi le film diffuse-t-il une espièglerie chère à Yves Robert, prolongement offert à la « chronique très agitée des démêlés de certains hommes avec certaines femmes qui ne sont pas nécessairement les leurs », selon les mots de Jean-Loup Dabadie au sujet d’Un éléphant ça trompe énormément (1976).
L’ensemble articule bien théâtralité des situations, riches en quiproquos, et mise en scène cinématographique précise, en témoigne le soin apporté à la composition des plans, aux mouvements de caméra qui, en s’approchant d’un visage ou en prenant de la distance vis-à-vis d’un corps, traduit les rapports de pouvoir et la compréhension des tiers présents. Quelques belles idées graphiques émaillent le film, tel ce filet de sang coupant la veste de smoking couleur crème de Volpinex, sans oublier les hommages aux précédentes œuvres du réalisateur : la robe ouverte sur le derrière évoque Le Grand Blond avec une chaussure noire (1972), etc. La vitesse du récit tend cependant à se confondre avec précipitation, et c’est notre immersion en son sein qui devient périlleuse, si bien qu’il faut franchir les quarante-cinq premières minutes pour enfin apprécier les marivaudages de ces doubles loufoques et terriblement sympathiques.