De Philippe de Broca, j'avais déjà été transporté par L'Homme de Rio dont Le Magnifique en est un prolongement tout à fait logique. Je présageais de passer un aussi bon moment, une bulle d'air fraîche qui aurait fait ma journée...Hé ben nan, ça été beaucoup plus loin.
Le divertissement est évidemment de haute volée muni d'un rythme de tonnerre, surpassant facilement l'Homme de Rio en misant sur la surenchère. La surenchère d'action, de parodie (en effet, de Broca n'hésite pas à se moquer de tous les clichés du cinéma d'espionnage et d'aventure) et de burlesque marche à merveille et relègue les Indiana Jones et autres James Bond au rang de blockbusters mous et lisses à côté. Bref, Belmondo et De Broca n'ont rien à envier aux plus grosses productions hollywoodiennes!
Jean-Paul Belmondo, une des plus grandes icônes du cinéma mondial (rien que ça?) , illumine chaque plan du film par son aura, son charisme si particulier, sa drôlerie, son bagout et par son immense talent d'acteur. Assurément, il arrive à jouer d'une façon diamétralement différente ses 2 personnages: celui d'abord du fameux Bob Sinclar ( le super agent secret, pas le DJ hein), l'archétype du héros de romans d'aventure surpuissant et frimeur. Puis celui de l'écrivain ermite François Merlin qui compense sa vie minable en écrivant les aventures de ce Bob Sinclar. François tombe amoureux des beaux yeux de sa voisine, la sublimissime Jacqueline Bisset, jusqu'à s'inspirer d'elle dans son roman, à travers une sorte de James Bond girl somptueuse à qui Bob Sinclar va lui en mettre plein la vue (mais pas seulement, il transpose par exemple son éditeur vil en méchant machiavélique ennemi juré de Sinclar) ! En parlant de ce parallèle entre le monde réel et celui du bouquin, je tiens à souligner l'incroyable montage, rejoignant petit à petit la fiction et la réalité et jonglant parfaitement entre les deux univers par différents effets de transition sonores et visuels absolument réussis.
Ce qui rend ce film si précieux, c'est sa profondeur thématique tellement amené avec subtilité. A l'heure des films d'auteur nous assénant leur message à grands coups de plans symboliques lourdingues ou de longs monologues pompeux, ça fait du bien de voir une oeuvre qui contraste radicalement avec ça: un film populaire, de pure jouissance cinématographique qui arrive à nous questionner, tout en divertissant, sur le rapport d'un artiste avec son oeuvre (ce que Godard essaye de nous raconter avec ces somnifères le servant de films), sur les fantasmes qu'on a tous, sur la vie morose qu'on vit tous parfois, sur une vie rêvée qu'on aimerait tous avoir, bref des thèmes universels qui nous parlent tous.
Ce chef d'oeuvre, c'est aussi l’occasion parfaite de De Broca de régler ses comptes avec la Nouvelle Vague, qu'il a été un temps un membre éminent avant de se tourner vers la comédie, quitte à se faire tacler par ses anciens partenaires. Le Magnifique fait ainsi une critique acide sur l’intelligentsia qui dénigre l'art "grand public" et est un bel hommage, cet art qui essaye de toucher au plus grand nombre de la plus noble des manières, comme ce film.
Allez, laissez-vous emporter par une comédie d'aventure ample, drôle et généreux mais tout aussi lourd de sens comme on en fait plus...ou sinon, allez rigoler aux dernières blagues de Dany Boon ou suicidez-vous sur le nouveau Bruno Dumont dans votre salle de cinéma la plus proche.