Le Médecin de famille par Maqroll
Après le sublime XXY et un deuxième film que je n’ai pas vu à ce jour, Lucia Puenzo adapte son propre roman pour nous donner ce film aux résonnances sombres, écho d’une des périodes les plus troubles de l’histoire de son pays, celle où l’Argentine – comme d’autres pays sud-américains – donna asile à des réfugiés nazis. C’est sur la véritable historie de Josef Mengele, médecin tortionnaire ayant notamment sévi à Auschwitz et connu pour ses recherches délirantes sur les jumeaux, que ce récit se fonde. Lucia Puenzo imagine une relation fascinée entre le bourreau en fuite et une petite fille de douze ans dont le corps n’a pas grandi au rythme de son âge. Le film se déroule dans les paysages baignés de lumière de la Patagonie, qui deviennent le symbole de la folie de l’esthétique qui domina la vie de celui qui ne fut jamais arrêté malgré tous les efforts de l’État d’Israël et termina ses jours de mort naturelle en 1979. Les croquis du médecin de même que la fabrication de poupées au cœur battant prennent valeur de symboles fous de cette obsession du corps humain qui étreignait les médecins dévoyés du nazisme. La réalisation de Lucia Puenzo est un mélange de force et de douceur, reflétant les ambiguïtés de l’âme humaine en proie à ses plus noirs démons. Les acteurs sont superbement dirigés avec une mention spéciale à la jeune Florencia Bado qui promène son visage étonné et curieux sur ce monde qui la rejette en raison de son anomalie physique. Comme dans XXY, la romancière et cinéaste dénonce le rejet des corps sortant de la norme : après les hermaphrodites, les gens de petite taille, les jumeaux… Le catalogue de l’intolérance et encore long à parcourir.