Voilà une romance peu dégourdie. Le Messager (1937) réunit deux stars de l'époque : Jean Gabin et Gaby Morlay. Pour la plupart des spectateurs, ce sera le principal attrait du film : (re)découvrir Gabin jeune, dans sa première période ; voir dans son antiquité tant la mémoire collective l'assimile au vieux loup taciturne et vaguement philosophe chaperonné par les dialogues d'Audiard. Avant-guerre il était assigné aux rôles de séducteurs, voir de pièce maîtresse d'intrigues romantiques où son personnage est souvent dépassé (ou excédé, comme dans Remorques) par les événements.
Ici c'est encore le cas à la nuance près que les auteurs n'ont pas l'air de beaucoup mieux maîtriser ce qu'ils sont censés bâtir. Le Messager est bourrin et sans génie, dramatiquement même ; dès la dixième minute, Gabin vient annoncer à sa nouvelle secrétaire qu'il divorce afin de l'épouser. Nous sommes au lendemain de leur rencontre et aucune justification digne de ce nom n'est de la partie. L'écriture est complètement ridicule mais audacieuse à sa façon, comme le serait un enfant débitant ce qui lui passe par la tête en s'échauffant après avoir connu ses premières aventures sociales.
Les acteurs sont pour la plupart empotés, notamment les principaux, or dans le contexte ils sont le plus professionnels possibles. Sauf en renonçant au sérieux, il n'y aurait pas d'autres façons de donner corps à une écriture si proche de l'aberrant, digne du soap le plus bâclé. Et comme dans les soap médiocres on tache de divertir à défaut de convaincre, voir de tenir debout ; ainsi Le Messager se caractérise par son exotisme anglo-saxon puis africain. Aucune prouesse pour ce dernier, mais la moitié du film se déroulant en Afrique est l'occasion pour les comédiens principaux d'être plus crédibles : c'est le temps de la détresse pour un Gabin en déliquescence et son assistant le niaiseux discipliné (Aumont).
La casse est limitée sur les aspects mineurs, en raison de quelques habiletés pour tailler les personnages secondaires ou dans les détails, les agréments (musiques, apparitions..). À l'approche de la conclusion le film gagne en consistance ; du moins, si on sait que c'est foireux dans le fond, ça devient légèrement plaisant. Par goût de l'indulgence il faut prendre les choses à l'envers ; toute cette route semée de médiocrité n'était que l'avant-goût d'une dernière partie vaudevillesque. C'est de la mauvaise foi qu'il faudra pour trouver que ça ait vraiment de la gueule, quand bien même c'est divertissant par son émotivité surjouée et sa grandiloquence sans panache.
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