Absent des plateaux à cause de la maladie (une hépatite virale virant en cirrhose) Lucio Fulci revenait à la mise en scène en 1986 soit deux ans après Murderock avec Le Miel Du Diable, un film érotique de commande dans lequel il finira par insuffler tout de même un peu de sa personnalité. Il Miele Del Diavolo n'est clairement le meilleur film de Fulci et il débute même de manière assez catastrophique avant d'imposer in fine des thématiques qui en font une œuvre aussi foireuse qu'attachante.


Le Miel Du Diable c'est l'histoire d'une jeune femme folle amoureuse d'un saxophoniste limite pervers narcissique. Lorsque ce dernier meurt à la suite d'un accident de moto très couillon, la jeune femme accuse le chirurgien de l'avoir tué faute d'avoir réussi à la sauver et elle entreprend alors de lui faire payer en le séquestrant et le torturant.


Le Miel Du Diable commence terriblement mal et rien que sa séquence d'ouverture collée au générique de début suffirait à classer, certes hâtivement, le film au registre des nanars gênants. On a tout de même dans un studio d'enregistrement des mecs et des nanas qui se pâment de sensualité en se pinçant les lèvres devant un type qui fait semblant de jouer Mourir d’Aimer de Charles Aznavour au saxophone. Outre le fait que l'acteur ne se donne même pas la peine de souffler dans son instrument il se dégage de la scène une ambiance de téléfilm érotique ringard qui laissait clairement entrevoir le pire pour la suite. Et franchement la première demi heure fait plus penser à du Joe d'Amato en bout de course qu'à du Lucio Fulci en pleine forme. Le casting en fait des caisses, la musique façon reprise ringarde de bal de village n'aide pas à se plonger dans l'ambiance et les séquences érotiques gratuites s'enchaînent dessinant grossièrement la psychologie des personnages avec le chirurgien adultère et sa femme délaissée ou la jeune femme soumise au gros saxophone de son mâle machiste et dominateur. On regarde tout ça avec l’œil un peu amusé comme on lirait un roman de gare pour érotomane, mais le charme des comédiennes fait clairement passé la pilule.


C'est clairement dans sa seconde partie que Le Miel Du Diable se transforme enfin pour que le téléfilm érotique laisse transparaître une œuvre bien plus profonde qu'elle semblait l'être de prime abord. Entre jeux de torture limite BDSM, syndrome de Stockholm et désir de vengeance la relation trouble entre la jeune femme et ce chirurgien ne fera que révéler la profonde emprise néfaste et destructrice de son ex petit ami. Plus encore qu'une simple vengeance c'est tout un besoin et désir de reconstruction (Symbolisé un peu grossièrement par la demande de réparation d'une poupée) qui va finir par lentement se dessiner pour le personnage de Cecilia interprétée par Biancha Marsillach dont le surjeu des premiers instants vient nourrir soudainement une sorte de fêlure profonde et un dysfonctionnement total des sentiments amoureux et désirs sexuels. Tout ce jeu un peu pervers de la victime qui devient l'instrument de la rédemption et d'une vengeance par procuration donne au film une certaine épaisseur qui vient clairement rehausser et relativiser la nullité du début.


Bien que bancal et que finalement tout aussi raté que réussi , Le Miel Du Diable reste l'un des tout dernier bon film de Lucio Fulci avant son déclin. Sous ses faux airs de téléfilm érotique un peu ringard se cache une rédemption intéressante, celle d'une femme qui tente de s'extirper de l'emprise néfaste du fantôme de son ex petit ami toxique.

freddyK
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Freaks On et 2024 : Films vus et/ou revus

Créée

le 27 déc. 2024

Critique lue 11 fois

2 j'aime

Freddy K

Écrit par

Critique lue 11 fois

2

D'autres avis sur Le Miel du diable

Le Miel du diable
Boubakar
3

Ames perdues.

Une jeune femme vit une relation très chaude avec un saxophoniste, qui va malheureusement mourir à la suite d'un accident. Elle prend pour responsable le chirurgien qui n'a pas su l'opérer de son...

le 13 févr. 2021

7 j'aime

2

Le Miel du diable
Jean-Mariage
7

Du cinéma d’exploitation vraiment intelligent !

L’objectif des producteurs était de faire un film érotique et il est connu que Lucio Fulci n’a accepté que faute de mieux : « Après Murderock, j’ai dû m’absenter des plateaux de cinéma à cause d’une...

le 10 mars 2021

6 j'aime

Le Miel du diable
freddyK
5

Sex Aphone

Absent des plateaux à cause de la maladie (une hépatite virale virant en cirrhose) Lucio Fulci revenait à la mise en scène en 1986 soit deux ans après Murderock avec Le Miel Du Diable, un film...

le 27 déc. 2024

2 j'aime

Du même critique

Orelsan : Montre jamais ça à personne
freddyK
8

La Folie des Glandeurs

Depuis longtemps, comme un pari un peu fou sur un avenir improbable et incertain , Clément filme de manière compulsive et admirative son frère Aurélien et ses potes. Au tout début du commencement,...

le 16 oct. 2021

76 j'aime

5

La Flamme
freddyK
4

Le Bachelourd

Nouvelle série création pseudo-originale de Canal + alors qu'elle est l'adaptation (remake) de la série américaine Burning Love, La Flamme a donc déboulé sur nos petits écrans boosté par une campagne...

le 28 oct. 2020

55 j'aime

5

La Meilleure version de moi-même
freddyK
7

Le Rire Malade

J'attendais énormément de La Meilleure Version de Moi-Même première série écrite, réalisée et interprétée par Blanche Gardin. Une attente d'autant plus forte que la comédienne semblait vouloir se...

le 6 déc. 2021

44 j'aime

4