Un magicien jouant l'imposteur

Confier l'univers du magicien d'Oz à Sam Raimi... Une idée étrangement géniale.

Depuis ces débuts, ce dernier n'a de cesse de questionner la frontière entre le mensonge et l'émotion vrai. En effet, le réalisateur a inconsciemment créé un style mêlant cinéma "sensationnel" et celui qualifié plus volontiers d' "intimiste". Ce faisant, il est parvenu à donner le "la" à un pan non négligeable de l'industrie hollywoodienne depuis maintenant une vingtaine d'année. Il était donc logique de lui confier un classique de l'âge d'or du cinéma hollywoodien, volontairement kitsch et décomplexé...

I'm not... Wicked!!!

Là où l'entreprise est problématique c'est lorsqu'elle subit l'influence d'une certaine adaptation de l'œuvre de Lewis Carroll réalisée par Tim Burton. Cette catastrophe, pourtant l'œuvre d'un artiste jugé "intègre" a malheureusement engendré de nombreux enfants, dont ce script assez fainéant. En effet, alors que l'univers de base se prêtait pourtant bien à une relecture moderne et qui sait, un regard plus sombre comme l'était la suite tardive "Return to Oz" ou le musical "Wicked"( NB: lequel prenait le parti pris de modifier l'histoire en prenant le point de vue de la méchante sorcière de l'Ouest), le scénario de ce "Oz great and powerful", se permet une balourdise certaine et une indigence rare dans le traitement de ses protagonistes. Tout parait lisse et convenu, et le film ne surprend jamais. Cela n'est guère aidé par la réalisation, somme toute assez fonctionnelle, d'autant plus de la part du papa d' Evil Dead, Spider-Man ou de Mort ou vif.

Il serait facile de dire que cela est dû à un manque d'intérêt de la part de Raimi pour le sujet, mais ce serait d'une part oublier son amour pour la féérie, le fantastique et le kitsch, et d'autre part faire l'impasse sur un des symptômes majeurs de l'état actuel de la carrière du réalisateur... A savoir l'expérience éprouvante que fut Spider-Man 3.

De fait, le troisième opus des aventures du tisseur constitue de l'aveu même de ce dernier, une pierre d'achoppement dans sa carrière. Les frictions avec les producteurs et les exécutifs de Sony mettront irrémédiablement une distance entre la passion du réalisateur pour ses sujets et ses futurs projets. Plus que jamais, son style de réalisation se fera plus sobre et ses scénarios moins à fleur de peau.

Ne reste dans le montage final que des fragments de ce qu'aurait donné un film entièrement de Sam Raimi, que ce soit l'humour un peu goguenard, quelques idées visuelles (notamment un jeu sur la profondeur, avec une assez bonne 3D) de même qu'un James Franco et une Mila Kunis qui ont l'air de s'amuser (plus que les autres en tout cas).

Bref dommage, mais, qui sait, peut-être Sam Raimi reviendra-t-il un jour vers "Oz".