Film autrichien de Julian Roman Pölser avec Martina Gedeck (dont on a déjà pu apprécier le talent dans « La vie des autres »), il s’agit de l’adaptation du best-seller éponyme de Marlen Haushofer publié en 1963. Réputé inadaptable au cinéma (Haneke y aurait songé), Pölser choisit donc la difficulté pour son premier long-métrage. Coup d’essai plutôt réussi – que Pölser dit avoir mûri pendant 10 ans, voilà une œuvre singulière qui mérite d’être vue.

Synopsis :
Un couple d’amis et une femme partent passer quelques jours dans un abri de chasse isolé. Le couple doit faire un dernier aller-retour. A son réveil, la femme se retrouve seule au milieu de la forêt autrichienne dans le chalet, ses amis ne sont pas revenus. Inquiète, elle prend à son tour la direction du village jusqu’à ce qu’elle se retrouve bloquée par un mur invisible. Isolée par cette barrière infranchissable au-delà laquelle le temps semble figé, elle se retrouve seule avec un chien, une vache et un chat. Robinson Crusoé d’un genre nouveau, elle doit s’organiser avec les outils et les ressources disponibles. Du bois pour se chauffer, des patates à cultiver et un fusil de chasse pour le gibier ; peu à peu la vie s’organise au rythme des saisons, en osmose avec la nature.
Pour ne pas sombrer dans la folie, elle écrit pour combattre cette solitude. Elle raconte son histoire dans un ultime compte-rendu.

Critique :
D’un point de vue esthétique, c’est une réussite complète. Les alpages autrichiens filmés au rythme des saisons sont sublimes et immersifs. Le spectateur est happé par la qualité de l’image et l’on s’imagine coincé sur cette partie coupée du monde. Qu’aurait-on fait à sa place ? Comment s’organiser ? Involontairement notre cerveau travaille en toile de fond alors que le film avance.
Le climat anxiogène qui se dégage des plans est réelle, on comprend alors facilement l’attachement aux différents animaux et l’absolu nécessité de l’héroïne à coucher son histoire sur les feuilles de papier disponible.

L’actrice, Martina Gedeck, débute ce film timidement jusqu’à cette scène absurde du mur invisible. Son talent éclate à ce moment précis : la comédienne se heure à l’obstacle sans sombrer dans le ridicule. La suite de l’œuvre est portée par un jeu tout en retenu avec un jeu de regard intelligent.

Il est intéressant de noter que le rebondissement fantastique du mur invisible constitue la seule part de science-fiction de l’œuvre et n’est qu’un prétexte pour penser l’isolement absolu. D’ailleurs aucune explication ne sera fournie à cette situation, il s’agit d’un exercice de pensée.

La nature n’est ici ni bonne ni mauvaise mais dépend de la manière dont l’humain interagit avec elle. La femme va devoir s’adapter, s’acclimater peu à peu à ce monde moins hostile qu’il n’y paraît. L’évolution est parfaitement retracée

Cependant le film est pénalisé par plusieurs défauts :

- L’ambigüité du message, est-ce une fable féministe ? Une ode à la nature ? Une critique de la société de consommation qui s’instaure peu à peu (le livre date du milieu des Trente Glorieuses), voire une œuvre environnementale (la place de l’Homme dans son environnement) ? Une thèse sur l’acte d’écrire ? Le réalisateur attaque, semble-t-il, tous ces thèmes de front et se perd un peu en chemin.
- Le choix de narration (lecture rétrospective par l’actrice de son histoire) supprime (presque) toute intrigue et induit l’utilisation de la voix-off. Celle-ci permet de bénéficier du texte de Marlen Haushofer mais peut être jugé parfois trop présente (voire intrusive) et limite en cela l’immersion du spectateur. Le réalisateur n’a, à mon sens, pas su trancher entre la voix et l’image en choisissant de superposer les deux.
- La lecture des mémoires ne facilite pas l’identification au personnage, ces phrases ne semblent pas refléter l’évolution des pensées et de l’état d’esprit. La tonalité de la voix est bien celle de la femme de la fin du film, seule et sans recours.
- Le rebondissement final qui vient rajouter de nouvelles questions. La mise en scène n’est peut-être pas optimale sur ce point… mais il faudrait avoir lu le livre pour en juger. Une suppression aurait aussi pu être envisagée.


Ces éléments nuisent à l’immersion du spectateur et rende donc ce film (un peu) trop long. Le rebondissement final vient rajouter


En conclusion, cette œuvre est intéressante, inhabituelle et sublimée par une image maîtrisée mais souffre de quelques défauts. Le Mur invisible a logiquement reçu le Prix œcuménique au Festival de Berlin 2012 et donne envie de découvrir rapidement le livre.
Achab137
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le 27 mars 2013

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