Revoir ce long-métrage qui fête déjà ses 25 ans d'âge, cela ramène à la surface une tripotée de souvenirs. Mais avant les rêveries humides qu'a pu provoquer en son temps LE PARFUM DE MATHILDE sur votre chroniqueur, il faut d'abord savoir qu'il s'agissait du tout premier film X français sorti en DVD chez Marc Dorcel. Il y a un peu plus d'une décennie de cela... L'éditeur profitait de ce nouveau support "révolutionnaire" qui en était alors à ses balbutiements pour proposer cette production luxueuse dans une qualité bien meilleure qu'une VHS, sortant les atouts du multi-langages (voir le film dans son doublage allemand, anglais et même italien) et le garnir de petit bonus divers qui ferait gentiment sourire le consommateur d'aujourd'hui tandis qu'il garde intacte toute sa valeur de bon porno bourgeois. On n'en dira pas plus de la qualité technique de la galette, dont la pixellisation apparente laisse grandement à désirer! En tant qu'œuvre sexuellement explicite, cela reste néanmoins un divertissement qui possède de nombreuses qualités autant pour le pornocrate averti que pour l'amateur éclairé des productions fantastiques fauchées.


Durant le générique du film, il est crédité "Scénario de Jean Rollin"! Oui, il s'agit bien là de l'auteur, réalisateur et écrivain de ces histoires surréalistes où déambulent d’étranges créatures venues de la nuit et qui peuplent les images envoûtantes de films tels que LE VIOL DU VAMPIRE, LA VAMPIRE NUE et autres récits poétiques qui a dérouté plus d'un spectateur. A l’époque, depuis l'avènement de la vidéo et l'arrivée de la pornographie dans le salon du consommateur, les récits concoctés par Rollin pour le cinéma ne valaient alors plus un kopeck. Du coup, celui-ci s'est reporté durant plusieurs années sur l'industrie du films pour adultes en pur réflexe de survie. Avec LE PARFUM DE MATHILDE, on retrouve donc Jean Rollin à la fin de sa période X avec cet ultime long-métrage pornographique qu'il a tout d'abord écrit et ensuite codirigé - bien qu'il ne soit aucunement crédité en tant que tel - avec Marc Dorcel.


En connaissant son goût pour les histoires fantasmatiques, c'est un réel plaisir de (re)découvrir le film avec un œil nouveau, non seulement toujours lubrique mais attentif de ses petites touches surréalistes comme le réalisateur les affectionne... Un ancien château qui s'impose en pleine campagne, une jeune vierge qui débarque un peu perdue, découvrant à petits pas apeurés les lieux de sa nouvelle demeure, un nain voyeur qui parcours les alentours de la propriété; accompagné ou non d'un gigantesque doberman... Le film regorge de plans empreint d'une poésie toute "rollinienne". Bien entendu, on reste dans le domaine d'une production X standardisée mais celle-ci révèle ici de grandes qualités plastiques. Marc Dorcel étant quand à lui un professionnel de la pornographie mise en scène avec une certaine classe. Le bonhomme sait soigner son esthétique et ses choix de décors, qu'ils soient naturels ou alors conçus comme un intérieur garni d'un beau mobilier très siècle passé, il filme de la baise qui se déroule toujours dans des conditions très « bourgeoisantes » . Toilette du matin d'une soubrette dans une immense baignoire de pierres ou encore une sodomie profonde pour la Tante Anna devant la somptueuse Rolls-Royce familial, Dorcel compose une sexualité classique dans un environnement "supérieur". Et c'est ainsi que dans cette histoire particulière, le scénario nous fait découvrir Eva, "jeune brebis" innocente aux socquettes blanches promise à un mariage arrangé dont l’événement se déroulera parmi une horde de "loups", une caste d'hommes et de femmes qui peuplent la demeure en fête en tant qu'invités privilégiés.


Sir Remy, le veuf éploré qui pleure encore sa regrettée épouse Mathilde, a choisit Eva pour être sa seconde femme dont elle est le parfait sosie. Tout ceci fait partie d'un plan calculé car Mathilde fut une immense salope qui a détruit la vie de son mari; infligeant à son époux de multiples tourments alors qu'elle se laissait prendre par tous les hommes qui la désiraient, domestiques y compris! Ainsi, en méditant sur une vengeance post-mortem coïtal contre sa belle défunte, Sir Remy espère pouvoir ainsi reprendre dès aujourd'hui son pouvoir de mâle dominant sur la jeune Eva qui personnifie l'innocence même, bien loin des délires et autres orgies sexuelles dont s'adonnent les habitants du château. Pourtant, à force d'exploration dans ce nouveau domaine, entre une servante bienveillante et des invités qui s'organisent des séances de triolismes sous le regard bienveillant du châtelain, tandis que des parties de lesbianismes se déroulent derrières les parois cloisonnées de la demeure, Eva va inconsciemment s'instruire elle-même en tant que spectatrices de nouvelles perversions qui vont régir sa nouvelle vie...


Dans le double-rôle de Eva/Mathilde, la comédienne serbo-croate nommée Draghixa y trouve probablement le meilleur rôle de toute sa carrière de pornstar! A juste titre puisque celui-ci lui rapportera un « Hot D’Or », suprême récompense à l’image des César/Oscar d’un cinéma plus traditionnel. Son physique de jouvencelle fait des merveilles lorsqu’elle interprète Eva l’ingénue qui a encore tout à découvrir de sa sexualité. En petite jupette noire, ses souliers vernis et son chemisier d’une blancheur immaculée, elle représente parfaitement la pureté qu’on s’apprête à souiller. D’un autre côté avec le personnage de Mathilde, elle peut se laisser aller à ses penchants plus salaces où elle n’hésite pas à se faire tringler sur une table, la culotte à peine retirée; ou encore à se faire prendre debout dans les escaliers du château ou encore en sandwich entre deux domestiques. Le travail de caractérisation visuel étant très sommaire, chevelure naturellement bouclée pour Eva, perruque raide à l’image d’une séduisante prédatrice pour la perverse Mathilde. Mais cela fonctionne grâce au(x) charme(s) naturel(s) de Draghixa, dont tout le talent à l’écran est d’offrir deux personnages que tout oppose, offrant un travail remarquable tout en regards subtils qui en disent long sur la transformation psychologique à travers la débauche qui s’opère en elle et dont le point culminant sera un rite sadique qui se retournera contre Sir Remy!


Proche d’un rite païen où la jeune vierge se voit offrir au « démon » devant ses adorateurs, LE PARFUM DE MATHILDE nous montre une veillée nocturne où les hôtes, armées de flambeaux traversent la nuit pour emmener la jeune mariée à son lit pour une nuit de noces voyeuristes où chaque spectateurs de l’événement est muni d’un masque, ce qui n’est pas sans rappeler le dernier film de Stanley Kubrick EYES WIDE SHUT réalisé 5 ans plus tard. Un final en forme de morceau de bravoure sexuelle comme l’œuvre en contient quelques autres comme cette spectaculaire orgie où l’ensemble de la distribution s’amuse à s’enfiler et à sucer tout ce qui se trouve à leur portée. Il y a aussi quelques belles séquences de sodomie pour les amateurs où les donzelles ne refusent jamais à s’enquiller de bons membres dans leurs fondements. Dorcel et son équipe prend aussi un soin particulier à choisir la garde-robe de ses comédiennes. Entre les porte-jarretelles, talons aiguilles, gants de cuir, chapeau à voile, c’est un véritable travail de fétichiste qui s’affiche à l’écran. Je retiendrai surtout les robes vaporeuses de Draghixa - l’une blanche, l’autre noire - qui ne cache pratiquement rien de sa superbe plastique, permettra à l’actrice d’offrir au spectateur/voyeur deux splendides stripteases qui compteront parmi les scènes les plus sexy du long-métrage.


Si le personnage de Eva représente l’éveil à une certaine forme de sensualité, la pornographie « dure » s’affiche surtout à travers le rôle de la soubrette toujours bien contente de se faire besogner par son patron ou ses collègues. A ce titre, Sophie, l’initiatrice de Eva, se voit offrir une punition royale sous la forme d’une baise sauvage où la belle métisse subit les assauts de deux hommes particulièrement bien montés. Un triolisme puissant où la comédienne Julia Chanel se distingue par un appétit hors-norme pour la chair chaude et bien raide, que ce soit au fond de sa gorge ou dans les tréfonds de son sexe et entre ses fesses. Gorge profonde, pénétration anale plutôt brutale, éjaculation faciale… L’actrice se donne sans compter et dans LE PARFUM DE MATHILDE elle en voit de toutes les couleurs, n’hésitant jamais à avaler le sperme de son maître de maison, qu’elle ne manque jamais à lui prodiguer de somptueuses fellations, même parfois cachée sous la table de la salle à manger. Une performance à saluer autant que celle de Draghixa. Parmi les autres beauté dans la salle, à signaler les visages connues d’autres jeunes femmes comme Maeva, Elodie Chérie et Erica Bella qui participent toutes à la fête de ce mariage qui ne ressemble à aucun autre!


Malgré les nombreuses qualités long-métrage, autant scénaristiques que plastiques, celui-ci échoue à développer le fond bien pervers de son intrigue. La transformation de timide ingénue à la perverse avide de sexe s’opère hélas bien trop rapidement dans la toute dernière partie du film. Bien entendu, ici on s’occupe davantage de sexualité graphique que psychologique mais c’est tout de même dommage de ne pas avoir davantage exploré cet aspect d’un scénario qui présentait les prémices d’une véritable plongée dans la psyché d’une femme à l’aube de découvrir les possibilités que lui offre son corps. A ce titre, voir Draghixa désormais transformé en maîtresse sadomasochiste avec son fouet devant le maître des lieux prête davantage à sourire qu’à être totalement fasciné. Finalement, LE PARFUM DE MATHILDE montre que le pouvoir demeurera toujours entre les mains des femmes, aussi diabolique que peuvent être les plans de l’homme qui souhaite la façonner à sa manière. En l’état, l’œuvre de Marc Dorcel et Jean Rollin reste un long-métrage pornographique très soigné, agréable, excitant et jamais ennuyeux. Rien que cela… Ce qui n’est déjà pas si mal!

cinephiliquement
7

Créée

le 25 nov. 2020

Critique lue 1.3K fois

1 j'aime

Critique lue 1.3K fois

1

D'autres avis sur Le parfum de Mathilde

Le parfum de Mathilde
AMCHI
3

Critique de Le parfum de Mathilde par AMCHI

J'étais curieux de voir Le Parfum de Mathilde car co-réalisé par Jean Rollin, j'avais espéré que son style se ressentirait plus dans l'atmosphère de ce film porno, mais finalement non. Mis à part...

le 1 juil. 2019

3 j'aime

Le parfum de Mathilde
estonius
8

Hommage aux plus belles coquines de ces années-là

Ce film est un hommage aux plus belles actrices françaises du X de ces années-là. La photographie de Serge de Beaurivage et la mise en scène de Marc Dorcel nous les dévoilent dans des scènes de toute...

le 18 mai 2019

3 j'aime

Le parfum de Mathilde
cinephiliquement
7

Sauce Dorcel au parfum de Rollin

Revoir ce long-métrage qui fête déjà ses 25 ans d'âge, cela ramène à la surface une tripotée de souvenirs. Mais avant les rêveries humides qu'a pu provoquer en son temps LE PARFUM DE MATHILDE sur...

le 25 nov. 2020

1 j'aime

Du même critique

Tanya's Island
cinephiliquement
7

Bestiale vanité

Film canadien assez curieux, celui-ci débute comme un cauchemar fiévreux. Tanya tourne des vidéoclips sexy. Tourmentée, elle semble constamment agressé par son environnement. Pour ne rien arranger,...

le 25 nov. 2020

1 j'aime

Le parfum de Mathilde
cinephiliquement
7

Sauce Dorcel au parfum de Rollin

Revoir ce long-métrage qui fête déjà ses 25 ans d'âge, cela ramène à la surface une tripotée de souvenirs. Mais avant les rêveries humides qu'a pu provoquer en son temps LE PARFUM DE MATHILDE sur...

le 25 nov. 2020

1 j'aime