Mars nous tend enfin les bras ! Envoyée pour des recherches dans l'espoir de coloniser prochainement la planète rouge, une équipe composée d'une commandante chevronnée et deux scientifiques talentueux décolle pour une mission de deux ans. Cependant, peu de temps après le début de leur périple, tous trois ont la surprise de découvrir un quatrième passager à leur bord ! Pire, par inadvertance, celui-ci met en péril la mission à cause de réserves d'oxygène insuffisantes pour alimenter le voyage de quatre personnes dans l'espace...
Profitez bien des rares voix terriennes extérieures au début du film, celles-ci se tairont vite pour nous laisser au seul point de vue de ces trois -puis quatre- pionniers de l'odyssée martienne ! Dès les premières minutes passées avec eux dans le cockpit lors d'un décollage tonitruant, "Le Passager n°4" nous cloisonne en effet à l'intérieur de la navette et donc de l'expérience vécue à travers les yeux de chacun des membres de l'équipage. Évidemment, avec le savoir-faire acquis sur son premier long-métrage "Arctic", un survival en pleine banquise, Joe Penna n'a aucun mal à nous isoler dans le vide spatial aux côtés de ses personnages. Mais, si l'émerveillement d'astronautes ayant atteint leur rêve ultime joue à plein dans un premier temps (les grands yeux d'Anna Kendrick devant la vision de cette bonne vieille Terre est un outil imparable pour cela), la découverte du malheureux clandestin va vite changer la donne...
Reconnaissons qu'il est quand même difficile d'avaler le fait qu'un ingénieur se soit retrouvé embarquer dans l'espace sans que personne sur Terre ne s'en soit rendu compte, la société Hyperion du film a visiblement les moyens de financer des voyages vers Mars mais pas d'avoir un système de pointage un minimum élaboré pour contrôler les allées et venues de ses employés. Bon, après tout, si les Dupont & Dupond ont aussi réussi à voyager clandestinement sur la Lune avec Tintin alors soit, pourquoi pas dans le fond...
Passé cela, le manque d'oxygène va bien sûr devenir la problématique majeure de l'intrigue et entraîner les passagers à se questionner sur les moyens à mettre en œuvre dans le but d'assurer leur survie.
La thématique n'a rien de nouvelle dans le cinéma de SF et est même souvent juxtaposée avec des menaces plus grandes pour engendrer encore plus de suspense (un alien belliqueux est une fois sur deux compris dans le lot par exemple). En ce sens, "Le Passager n°4" se fixe donc centralement sur un problème aux limites quelques peu connues et où l'on peut légitimement supposer qu'il va avoir un mal fou à renouveler en profondeur les situations qui en découlent. Durant la première heure du film, avouons que c'est un peu le cas, le regard naïf de l'une se dispute forcément à la vision pragmatique de l'autre sous l'égide d'un arbitre lui-même pris au piège du dilemme, la compassion créée autour du clandestin est dessinée de façon grossière, certains dialogues sonnent comme des passages obligés pour nous rappeler les circonstances terribles en train de se jouer... Cependant, "Le Passager n°4" parvient à ne jamais sombrer dans le plus pur manichéisme autour des camps qu'il met en place. Les doutes moraux de ses personnages visent en effet juste, ne les dessinent jamais comme des êtres définis d'une façon unilatérale, on les sent pris au piège de leur propre humanité à chacun de leurs actes (qu'ils soient ou non discutables) et, finalement, dans la conjecture de plus en plus désespérée des événements, on se met à ressentir pour eux une empathie assez sidérante, supplantant nettement tous les passages plus convenus évoqués plus haut.
D'ailleurs, quand la situation devient inextricable dans la deuxième partie du film, notre attachement à leur égard va prendre sa pleine mesure dans des proportions que l'on n'avait même pas osé imaginer ! Un morceau de bravoure d'une tension absolue, véritablement irrespirable par sa progression et ses enjeux vitaux, viendra définitivement nous coller au plus près de leurs visages dans une communution d'émotions éprouvantes. Et, même si le dénouement ne créera pas encore une fois vraiment la surprise, il sera bien difficile de ne pas en sortir le cœur serré au fil des notes égrenées par le générique de fin...
Sans être un incontournable de la SF dite réaliste, "Le Passager n°4" en est un représentant solide, misant avant tout sur l'humanité de ses personnages -de l'excellent quatuor d'acteurs pour leur donner vie- et leurs interrogations morales face à la pire des décisions à prendre. Ce que perd ce vaisseau spatial en oxygène durant le film, il le gagne en cœur par leur intermédiaire, assurément. Vivement que Joe Penna nous perde à nouveau dans un endroit hostile !