La désintégration de Zoe, dont la vie se disperse lentement dans l’irruption solaire par des traînées lumineuses qui semblent la vider de sa substance, permet à Stowaway d’accéder à la poésie pure d’une existence sacrifiée pour autrui, en l’occurrence pour un étranger qui commence par apparaître tel un alien, comprenons un « autre » embarqué malgré lui dans le vaisseau spatial. Joe Penna accorde une place importante aux flottements et aux temps morts, laissant en suspens l’intrigue pour mieux déjouer les conventions du huis clos et y substituer une humanité vibrante d’authenticité. C’est ce qui faisait déjà la force de son précédent long métrage, Arctic (2018) ; c’est ce qui fait ici la puissance et la beauté d’un film dont nous ressortons bouleversés, encore pris de vertige devant la mission de récupération de l’oxygène.
Rarement nous aurons été à ce point exposés au vide, rarement nous aurons aussi douloureusement éprouvé cette expérience du vide. Il suffit qu’un astronaute lâche prise quelques instants, et nous voilà proches du malaise ; qu’il se rapproche trop du bord, et la tête nous tourne. Le cinéaste atteste une maîtrise remarquable de l’espace et du mouvement des corps dans celui-ci : sa caméra suit ses personnages et leurs situations avec fluidité et virtualité ; elle semble elle-même en gravité, tributaire d’aucune structure d’appui. Comme elle, nous flottons dans un espace clos, incapables d’anticiper les réactions qui refusent le manichéisme ou le survival dans lequel la violence mute en divertissement. Dans Stowaway, il n’y a que l’homme confronté au vide, d’abord séparé par une fine cloison, enfin en prises directes avec lui. De ce combat primaire, Penna tire une métaphore de l’existence et des conséquences de nos choix, irrémédiables ; aussi se raccorde-t-il à une forme d’existentialisme, l’individu ne valant que par ses actions et par sa propension à en assumer les retombées.
Un immense film, modeste et intimiste, qui laisse après visionnage une empreinte indélébile. La confirmation d’un grand cinéaste en devenir.