Bien sûr, il est heureux qu'un film des années 90 dépeigne la tension, la violence et la pauvreté dans lesquelles baignent les lycées des ZEP de l'époque. On y voit des membres de l'équipe enseignante au bord de la dépression et abandonnés par une hiérarchie impuissante. Le directeur lui-même se sent abandonné par le Rectorat. Cependant, la lecture politique du film ne va pas beaucoup plus loin.
Je vois plusieurs défauts dans ce film, tout d'abord sa finalité : la seule collégienne dont on montre la réussite, c'est celle qui était déjà brillante avant l'arrivée du prof. D'ailleurs, on se désintéresse très vite des petits caïds de la classe qui sont donc réduits à des stéréotypes creux. On peut se demander quelle a été l'utilité du personnage principal dans ce collège, pire encore, quelle a été la progression du scénario. Sa seule victoire serait donc de ne pas avoir succombé à la dépression et de s'être finalement attaché à ce collège, non plus pour des raisons géographiques (se rapprocher de ses enfants) mais pour des raisons éthiques, c'est-à-dire pour une véritable envie d'y enseigner. Non seulement, c'est un peu léger comme morale finale mais en plus, cela ne peut fonctionner qu'à condition de s'attacher à ce personnage macho.
L'idée principale n'est pas originale : on nous présente un salaud pour que l'on finisse par l'apprécier. D'une part, on s'attache à ses défauts, on perce sa carapace et d'autre part, on le voit mûrir et s'ouvrir aux autres. Ce n'est pas original mais c'est souvent efficace, cela aurait donc pu être agréable ici, surtout avec le charisme de Gérard Depardieu. Cependant, rien de tout cela ne ressort véritablement à travers le scénario. En outre, son caractère antipathique prend le dessus. Son personnage n'apprend jamais vraiment de ses erreurs ; alors qu'il a trompé sa femme et souhaite la reconquérir, il drague une autre. À la limite, on aurait pu nous le présenter écartelé entre passé et présent, ne sachant pas choisir entre deux femmes qu'il aime. Que nenni, ici il s'agit seulement d'un comportement égoïste puisqu'il préfère jouer sur les deux tableaux pour éviter de se retrouver seul. Difficile de croire à la passion qui peut le lier à l'une ou l'autre puisqu'elle n'est pas incarnée à l'écran. Aussi, il ment sans scrupule aux deux amantes sans montrer aucun remord quand son secret est percé. Je ne me rappelle pas non plus l'avoir vu s'excuser. Ensuite, il nie avec l'une comme avec l'autre le principe du consentement. Et même si l'on essaie de remettre le film dans le contexte des années 90, le malaise s'installe : il agrippe les bras, il insiste malgré les refus. Mais évidemment, les femmes disent "non" pour le principe et n'attendent que ça, ce qui entretient cette fameuse culture du viol dénoncée par les féministes. Quand la femme dit "non", c'est seulement pour ne pas passer pour une "fille facile" et en réalité elle désire profondément l'autre. On finit même pas s'en étonner tant cela devient invraisemblable. Radia qui était par exemple dépeinte comme une mère célibataire indépendante, bref une "femme forte" capable de mater une classe de caïds n'attend qu'une chose : passer la nuit avec son beau macho. Et elle de devenir parfaitement écervelée. On se demande bien pourquoi elle s'en éprend puisqu'on ne nous en a jamais présenté de facette positive.
Par ailleurs, il se montre souvent colérique. Quand il se met en colère tel un enfant capricieux, c'est qu'il n'obtient pas ce qu'il veut. Alors qu'il est au contact de la misère, il se lamente de son triste sort : quel enfer que de devoir partir aux sports d'hiver et de ne pas avoir l'occasion de sauter sa maîtresse... Alors que le film voulait nous dépeindre la pédagogie et la bienveillance au sein d'un collège, il montre un professeur au caractère impulsif qui ne maîtrise par sa voix devant la classe et "part au quart de tour". Quand il gifle un caïd, c'est "qu'il l'avait bien cherché". Sa philosophie correspond à peu près à la loi du Talion. Parlons d'ailleurs de ces scènes de coups et de gifles : peu crédibles de par l'imperfection des raccords. La réalisation et le montage ne suivent donc pas non plus...
Ne parlons même pas de l'inquiétude face "aux barbus" qui caricature probablement le rapport à la religion dans les cités des années 90. Tout est manichéen à outrance : le raciste est armé et vraiment très raciste, les "barbus" (l'expression est tirée du film) sont des islamistes qui insultent le proviseur et son adjoint. Les méthodes pédagogiques prêtent à sourire car en un claquement de doigts, la moitié de la classe se passionne pour l'histoire-géographie. On parvient à faire du personnage de Depardieu un professeur anti-charismatique, quelle force. "Hein, attention les enfants, soyez gentils. Oh lala, je vais me fâcher tout rouge si vous n'écoutez pas." Ce personnage croit gagner en charisme en portant des coups et en déployant des doigts d'honneur... Quand un élève montre son ignorance pour les chiffres romains, il s'esclaffe et se moque de lui devant l'ensemble de la classe. C'est dramatique qu'un personnage présent pour apprendre la bienveillance apparaisse si méprisant envers un élève. Il se rattrape un peu ensuite en expliquant plus calmement la différence entre chiffres arabes (les chiffres "rebeu" et chiffres romains) mais vous avez compris le topo...