Le portrait de Doriana Gray par Claire Magenta
C'est en 1975 que le duo Jesús Franco/Lina Romay, soit le génial cinéaste déviant ibérique et sa muse, nous convient à suivre les aventures de Doriana Gray, qui comme son nom l'indique est une très libre adaptation du roman d'Oscar Wilde.
Jesús Franco, très productif à l'image de son compère transalpin Joe D'Amato qui durant cette année de pré-canicule hexagonale, et entre le tournage d'un film de prison pour femmes (Frauengefängnis - Femmes en cage), un jovial Swedish Nympho Slaves et un slasher (Jack l'éventreur avec un Klaus Kinski cachetonnant comme un beau diable), propose à ses amateurs éclairés une relecture de son précédent Female Vampire (aka La comtesse noire, Les Avaleuses, etc.) sorti deux années plus tôt. Un long métrage faisant date dans le petit monde du bis, et sans conteste le premier grand rôle de Lina Romay en vampire femelle se nourrissant, non pas du sang, mais de la jouissance de ses victimes en aspirant leur énergie vitale.
Doriana Gray ou les affres d'une demoiselle vampire nymphomane qui comme son lointain cousin britannique ne connait pas l'ouvrage du temps au profit d'une jeunesse éternelle. Relecture jusqu'au boutiste de La comtesse noire, Jesús Franco laisse de côté l'aspect horrifique et sanguinolent du film vampirique traditionnel pour recentrer une histoire faisant la part belle au mystérieux et aux atmosphères évanescentes et oniriques. De ce fait, ne pas s'attendre à un film riche en rebondissements, l'histoire tient en quelques lignes. So what ?
Doriana Gray (Lina Romay) vit seule avec son domestique Ziros (Raymond Hardy). Un jour, celle-ci reçoit la visite d'une journaliste (Monica Swinn) venue l'interviewer et tenter d'en savoir plus sur cette étrange jeune femme solitaire. Or cette jeune demoiselle, en plus de passer le plus clair de son temps en nuisette transparente, cache deux lourds secrets, le premier lié à sa condition de vampire sexuel assoiffé et néanmoins frigide, le second à l'existence d'une sœur jumelle attardée, réceptacle du plaisir fraternel, et internée chez le (bon) docteur Orlof...
Avec peu de moyens, Jesús Franco réussit sinon un tour de force (n'exagérons pas, encore que...), tout du moins à mettre en œuvre un film érotique fantastique suffisamment original, à la limite du contemplatif et de l'abstraction. Sublimé par la musique de Walter Baumgartner à la sitar, et la prestance de son interprète principale, cette histoire de vampirisme moderne extrêmement sexuée et bipolaire s'inscrit de même idéalement dans le cahier des charges des films d'exploitation de l'époque, avec évidemment son lot habituel de défauts inhérents au genre : un doublage au raz des pâquerettes, un scénario très léger et une fin abrupte pouvant laisser le spectateur lui aussi sur sa faim.
Mis en scène durant la période WIP (Women In Prison) du duo Jesús Franco / Erwin C. Dietrich, collaboration débutée en 1975 par Downtown - Les putains de la ville basse, en passant par le Jack l'éventreur mentionné plus haut, et conclue par le WIP Women in Cellblock 9 - Frauen für Zellenblock 9, le long métrage saura trouver une place de choix parmi les admirateurs du réalisateur madrilène réputé (entre autres) pour ses zooms intempestifs (la Franco touch). De ce golden WIPage francien, on notera également la présence des habituels Raymond Hardy, Monica Swinn et de la brève apparition de la belle Martine Stedil dans le rôle de la fiancée de Ziros.
Un long-métrage propre aux années 70 de par son atmosphère surannée, existant sous deux versions différentes, une softcore et une autre hardcore avec inserts pornographiques, où miss Romay donne la pleine mesure de son exhibitionnisme...
Doriana Gray, l'un des plus étranges films de Jesús Franco alliant sexe cru, fantastique et contemplation avec Lina Romay et Martine Stedil.