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Lorsque commence Le Prince de New York, nous sommes en terrain connu : cette cage d’escalier, ces poursuites, cette ville crasseuse, ces fire escapes et ce grain légèrement orangé des 70’ sont autant de signatures du brillant portraitiste qu’est Lumet.
Pourtant, la fluidité de cette scène d’ouverture, la mécanique que rien ne semble gripper, le succès et l’enthousiasme collectif dénotent fortement : Danny serait un flic qui, à l’inverse de Serpico, a trouvé sa place dans la famille des flics, en est même à la tête.
Les contrepoints des inserts sur les fiches d’identité des protagonistes et les citations de répliques à venir sont les premiers à briser les élans d’un bon film de voleurs et gendarmes. L’ambiance est administrative, et tout ce que vous direz le sera dans le cadre d’une déposition.
Pire, la séquence suivante donne à voir les coulisses des coups d’éclat : celles où le flic doit fournir en héroïne ses indics, quitte à dépouiller l’un pour rassasier l’autre. Soudain, la sueur, les vomissures ou les coups sont les mêmes que dans les débuts de Serpico.

« On appartient aux gens qu’on poursuit »
Le Prince de New-York suit, durant près de trois heures, le parcours d’un flic qui se souvient des raisons pour lesquelles il est entré dans la police. Un Serpico qui aurait cédé, car tout le monde le fait, et qui voudrait se racheter.
Lumet dépeint avec toujours autant de précision les ressorts d’un milieu schizophrène, où la façon la plus efficace de servir la loi passe par sa transgression.
L’autre scission est celle des flics de la rue contre leurs supérieurs et les instances de régulations : police des polices, enquêteurs, FBI. Autant de costards donneurs de leçon qui ne semblent rien connaitre du milieu dans lequel travaillent ceux qu’ils surveillent.
Ciello prend ce mouvement spontané de sa part comme un jeu : pour être véritablement héroïque, il semble qu’il faille attaquer un autre gibier que la racaille de la rue et taper dans ses propres rangs. Il le fera, marquant son corps par le dispositif d’écoute, persuadé que tout le monde sortira grandi de ce nettoyage ciblé qui devrait épargner, croit-il, ses frères d’arme.
L’intelligence de Lumet, grande marque de fabrique de ses films, est de ne pas céder face au réel en transigeant sur les ficelles traditionnelles du protagoniste ou de son parcours. Ciello a le mérité d’être allé voir les enquêteurs, mais a menti dès le départ pour se couvrir. Lentement mais sûrement, la situation pourrit et l’étau se resserre.
A mesure que la rédemption semble se déployer, son univers s’étiole et se décompose : ses amis, son épouse, ses partenaires, ses collègues tombent avec lui. Et ses nouveaux camarades le quittent aussi, promus grâce à ses aveux et au ménage qu’il provoque. De la même façon qu’il s’enrichissait sur le crime, ils tirent parti des personnes sur lesquelles ils enquêtent : regard lucide sur un monde qui ne change pas, même s’il parait avoir les mains plus propre.
Entouré de gardes de corps, ne parlant plus qu’à travers des micros, Ciello cède et contribue finalement à un procès majeur : le sien.
La complexité narrative, ses ramifications et ses enquêtes au long cours assorties de l’implication affective des différents protagonistes a quelque chose de The Wire dans son regard impartial et d’une acuité terrible. Lumet ne cherche pas à dénoncer unilatéralement un système, il prend acte des pièges inhérents à celui-ci. Et s’attarde avant tout sur l’humain, ses petites bassesses, mais surtout sa fragilité. On le dit clairement : la seule différence entre un flic et un voyou, c’est que le flic a des remords, qui le font avouer spontanément, voire se brûler la cervelle.
[Spoilers]
Les dernières séquences nous renvoient aux origines de la carrière de Lumet, à travers une délibération qui rappelle fortement 12 hommes en colère. Il s’agit de statuer sur le parjure et de mettre en balance ses fautes passées avec son dévouement présent.
Fausse happy end que celle de sa grâce : ce qui reste n’est pas le regard des enquêteurs qui retournent dans les bureaux de Washington, mais bien le terrain sur lequel Ciello tente de retourner. Devenu instructeur, il fait face au mépris des jeunes recrues qui voient en lui une balance. L’image se fige sur le sourire triste de Ciello face au départ tonitruant d’un élève, qui ne veut rien apprendre de lui, mais face à un spectateur qui en a bien plus appris sur son métier et sa difficulté que dans la quasi-totalité des films jusqu’alors.

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Sergent_Pepper
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le 26 avr. 2014

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Sergent_Pepper

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