Mort aux salauds !
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Les distributeurs français ont encore frappé ! Si nous aimons nous amuser de nos cousins québécois qui traduisent littéralement chaque titre de film, nous ne faisons pas mieux. La plupart du temps, nous trahissons allégrement le travail des réalisateurs à des fins commerciales. C'est encore le cas avec Le Procès du Siècle. En plus de survendre le film, il oriente assez mal les spectateurs sur ce qu'ils vont voir. Denial, le titre original, est plus fin et plus précis sur le vrai thème du film : le déni.
Il est vrai que c'est l'histoire d'un procès. Celui que mena au début des années 2000 l'autoproclamé historien David Irving contre le professeur Deborah Lipstadt et son éditeur Penguin books. Il leur intenta un procès en diffamation pour avoir soutenu dans un livre que ses théories négationnistes sur l'holocauste, en plus d'être fausses et antisémites, n'avaient pour but que de réécrire l'Histoire. Mais puisqu'il présentait des « preuves » allant dans le sens de l'inexistence de la solution finale, ses contradicteurs étaient dans l'obligation de fournir des preuves contradictoires tout aussi recevables, autres que des témoignages de survivants, considérés comme « biaisés ». Tout ceci est une histoire vraie et on peut encore trouver sur internet toutes les informations sur ce procès dont le jugement fut rendu il y a 17 ans.
Dans sa narration et sa réalisation, le film de Mick Jackson est d'un classicisme presque exemplaire. Il ne brille pas par des effets de style ou des choix artistiques forts. L'accent est mis sur l'intrigue et les comédiens. Jackson a fait appel à des valeurs sûres du cinéma britannique telles que Tom Wilkinson, Timothy Spall, Andrew Scott, Mark Gatiss. Pour jouer le rôle de Deborah Lipstadt, il choisit la trop rare Rachel Weisz qui fait une belle composition bien que son personnage parle très peu en comparaison des autres. Il reste que les acteurs donnent aux personnages une vraie consistance qui tient le spectateur en haleine.
Mais le plus important ce sont les thèmes brassés par cette affaire qui font surface tout au long du film. Le négationnisme n'est pas un mal enterré, bien au contraire. Alors que les historiens ont traité le sujet plusieurs fois et recueilli les documents permettant de prendre la mesure de ce génocide industrialisé, des hommes et des femmes prétendent pouvoir prouver qu'il s'agit d'un enfumage collectif. Quand il ne le nient pas, ils le minimisent en parlant de « détail historique ». Parfois même, ils rejettent la faute sur d'autres en dédouanant leur nation d'un acte aussi ignoble qu'une rafle. Toutes les occasions sont bonnes pour réécrire l'Histoire et crier au complot.
Si il est ici question de l'Holocauste, le sujet peut être élargi et trouve tout à fait sa place dans notre monde actuel où internet, par exemple, est devenu la tribune des complotistes en tout genre. Le film met en lumière leurs procédés pour valider leurs thèses révisionnistes. David Irving se victimisera plusieurs fois, prétendant être la cible d'une cabale pour le décrédibiliser. Encore maintenant, il est courant d'entendre des personnes publiques crier à la diabolisation de leurs idées. L'autre procédé est de présenter des « preuves » comme autant de révélations inédites ou qu'on aurait voulu cacher, et d'exiger des représentants de la « version officielle » de présenter leurs preuves. Dans le cas de la Shoah, il est bien difficile de présenter autre chose que des témoignages ou des faits connus. Les nazis ont pris le soin de détruire beaucoup de preuves lors de leur débâcle. Mais pour ces complotistes, ne pas pouvoir prouver équivaut à ça n'a pas existé. C'est la ligne de défense de David Irving mais de tout nouveau révisionniste sur des sujets variés.
En ceci, Le procès du siècle est un film nécessaire même si il n'est pas renversant de génie. Il sort dans une période mondiale troublée où les manipulations sont nombreuses et le risque de voir l'Histoire se reproduire est grand. Il rappelle, à l'instar du bouleversant film français Les Héritiers, qu'on ne parle jamais trop de ce sujet. Qu'oublier ce qu'il s'est passé, c'est ne pas apprendre. Ne pas apprendre, c'est prendre le risque de faire les mêmes « erreurs ».
Un article de Florian Vallaud
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Créée
le 27 avr. 2017
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