The Abominable Snowman se sert du yéti comme d’un leurre à même d’attirer les personnages, ainsi que le spectateur, vers ces sommets enneigés qui réfléchissent, à la manière d’un miroir, leurs fantasmes, leurs frustrations et leur faiblesse congénitale. Nul hasard s’il est encadré et ponctué par le monastère tibétain, lieu de spiritualité que le réalisateur veille également, comme l’entreprise d’alpinisme, à démystifier par le biais d’un lama à la fois pieux et menteur, soucieux de maintenir la créature dans l’ombre et ainsi de sauver sa légende. Créature que nous ne voyons guère, sinon lors de plans sur une patte ou en clausule sans savoir d’ailleurs si celle-ci est réelle ou rêvée ; nous ne la voyons pas mais elle demeure omniprésente à l’écran puisqu’elle est de toutes les conversations et que son image se construit progressivement grâce aux bruits, aux traces de pas et à la description effectuée par le docteur John Rollason, qu’interprète un Peter Cushing convaincant (« Quel visage ! », s’exclame-t-il). L’intelligence du scénario et le sens de la mise en scène – que montrer ? que cacher ? – distingue le long métrage du tout-venant des productions Hammer, centrées davantage sur l’explicitation et la monstration : il fallait oser divulguer le monstre et ainsi jouer avec les attentes d’un public avide de spectacle et habitué à l’idée de satisfaire sa curiosité par le regard. D’où la pertinence du titre, le « snowman » désignant à la fois le yéti situé à mi-chemin entre humanité et animalité, et l’homme qui s’éprouve dans la neige. Pour autant, Val Guest n’est ni Howard Hawks, peinant à incarner les interactions entre ses protagonistes là où la première partie de son film ne repose que sur des dialogues, ni John Huston, son voyage au bout de l’impuissance manquant de vivacité et de puissance visuelle. Une belle curiosité néanmoins.