En insistant sur la liberté qui guide les pas de son personnage, Nicholas Ray semble aborder le Christ comme un avatar de son héros typique, voire comme l’avatar originel du rebelle qui répond aux défis lancés par ses détracteurs avec clarté et calme, supporte le regard de celui qui l’a trahi en le transperçant par l’azur de son iris. Et ce qui s’avère digne d’intérêt, dans le cas de The King of Kings, c’est l’entrelacs du religieux et du politique rapporté par l’articulation du destin de deux hommes, l’un prophète, l’autre dissident politique (Barrabas), qui ont en commun une même soif de rébellion. La marche de Jésus s’apparente, aux yeux des puissants, à autant de tentatives de soulèvements ou d’usurpation ; nul hasard si le cinéaste s’attarde, au début du long-métrage, sur l’assassinat d’Hérode le Grand par son fils, Héros Antipas, préfiguration d’une hantise ressentie devant le caractère éphémère et instable du pouvoir.
Ce que représente Ray n’est autre que la mise à mort de la jeune génération par l’ancienne, sans pourtant s’écarter des textes bibliques : il réalise une œuvre hybride, tantôt des plus classiques, tantôt portée par une inventivité et une audace visuelles – pensons à l’utilisation de la demi-bonnette ou à l’importance quasi expressionniste des ombres. En résulte un film inégal, doté de longueurs et de répétitions, mais porté par un souffle vital véritable que retranscrit à merveille la partition de Miklós Rózsa, dont le thème principal agit à la manière d’une jauge qui évalue la conversion des disciples et atteste la naissance de leur foi.