Kensuké Crusoé !
Le Royaume de Kensuké est l’une des très belles découvertes de ce début d’année. C’est un beau récit qui prône la sauvegarde du patrimoine naturel, et qui fait mine de rien son bout de chemin depuis...
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le 7 mars 2024
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C'est une sorte de pèlerinage pour moi d'aller voir ce film. Je ne pouvais pas ne pas y aller. De justesse, j'ai réussi à aller dans la dernière séance marseillaise avant sa déprogrammation des cinémas de la ville. Le Royaume de Kensuke est le roman de mon enfance, celui qu'on m'a conseillé en bibliothèque alors que je n'avais que 8 ans, et qui m'a transis mes premières véritables émotions littéraires.
Echoués ensemble
Le Royaume de Kensuke raconte l'histoire de Michael, un jeune garçon qui vit avec ses parents, sa sœur et sa chienne Stella sur un voilier habitable, dans lequel ils voyagent autour du monde. Après une tempête, Michael se retrouve propulsé par dessus bord avec Stella, et fini échoué sur une île tropicale. D'apparence seul au monde, il fait la rencontre sur place du distant et mystérieux Kensuke, un ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale exilé sur l'île depuis des décennies. L'île est son territoire, et il vit en harmonie avec les animaux et la végétation.
Seul spectateur de ma séance, j'ai apprécié retourner dans cet univers à l'ambiance si particulière. Car le film retranscris bien certaines sensations ressenties à la lecture du texte de Michael Morpugo. L'île qui devient de moins en moins hostile au fur à mesure du récit. Avec un aspect coloré, et magnifiquement rendue en animation. La maison de Kensuke garde ce même charme et cette même magie de la maitrise de l'environnement que dans mes souvenirs, où la nature est devenue une alliée rassurante. Stella, la chienne, est une compagnon fidèle et bienveillante qui accompagne Michael tout au long du film. Les animaux de l'île sont des alliés pacifiques et ne sont jamais vus comme des ennemis. Le rituel d'offrande de Kensuke et son chant pour les orang-outangs, ont une aura mystérieuse et poétique, qui transmettent une idée d'harmonie. L'arrivée des braconniers qui viennent rompre l'équilibre n'en devient plus qu'angoissante.
Exil et solitude
Le centre de l'histoire, c'est l'échange entre Kensuke et Michael. Le vieux soldat d'apparence sauvage s'attendrit et finit par nouer une forte relation d'amitié avec le garçon, basée sur le partage de la nourriture, du savoir pour survivre sur l'île et de culture (mots et gestes). Lui qui était seul sur cet île. Et si c'est le japonais qui aide et soigne Michael et Stella au début du film, les deux personnages finissent par lui rendre la pareille. Les plans qui s'intéressent au regard des personnages sont riches en information. De manière différente du livre où Kensuke parle un peu anglais, ici il y a moins de mots dans le film. le personnage a une facette artistique et dessine les animaux et des scènes de vie, ce qui permet aux deux personnages de se comprendre.
C'est ainsi de cette manière, dans ce qui est le point d'orgue du film avec une animation de grande qualité en aquarelle de style asiatique, que l'on découvre le passé de Kensuke. Son enrôlement dans la marine, son dernier salut distant à sa femme et sa fille, ses premiers moments sur les navires de guerre. Le moment où il apprend que Nagasaki, où vit sa famille a été frappée par une bombe nucléaire, que son vaisseau est détruit et qu'il finit échoué sur l'île seul livré à lui même, endeuillé.
Goodbye to the Monkey Island
Il y a une grande maturité dans cette histoire courte destinée à la jeunesse, bien rythmée, juste et toujours teintée de douceur. Le Royaume de Kensuke est une histoire d'exil, de solitude, de résilience, d'adaptation à l'environnement et d'harmonie à la nature... mais surtout une grande histoire de transmission et d'amitié.
Si je dois mettre quelques bémols, les voix de Cilian Murphy et de Ken Watanabe sont des choix de casting intéressants mais leur valeur ajoutée est assez limitée. Je dirai aussi que les ajouts de scénario au début du film créent quelques incohérences par rapport au roman. Les premiers moments n'ont pas la même saveur, car le comportement de Michael est moins attachant, plus immature. C'est enfin surtout que je regarde aujourd'hui ce film avec un œil d'adulte, loin de l'effet de découverte de ma première lecture.
Mais l'histoire résonne encore fortement en moi. Et ce film est une vraie réussite. On s'attache à l'île et son univers que l'on s'approprie comme Michael le fait. Comme à la lecture du roman, quitter ce paysage insulaire crée un sentiment de mélancolie. Le moment émouvant où le japonais se souvient de tous les beaux moments qu'il a passé avec le garçon et Stella, entre en résonnance forte avec ses nombreuses années de solitude. Et les adieux entre les deux personnages sont toujours aussi déchirants. Michael rejoint sa famille en laissant le vieil homme derrière lui. Kensuke décide de rester caché sur cet île, où il a vit en harmonie avec la nature. Une vie d'exil, mais sereine, loin de son passé, opposée à la guerre des hommes et à la violence des braconniers... Les personnages savent qu'ils ne se reverront plus.
Les histoires ou des amis doivent se quitter à tout jamais me rendaient très triste quand j'étais plus jeune... quand la distance et la mort séparent. Cela n'a pas changé. Et l'émotion que j'ai ressenti devant le générique de fin n'est que la continuité de la première larme que j'ai versé sur la dernière page du roman, quand j'étais enfant.
Ajouts et modifications du film par rapport au roman :
- Stella n'est pas cachée dans la cale dans le roman et est directement sur le bâteau - d'ailleurs le fait qu'elle le soit dans le film paraît incohérent, comment Michael a fait et pourquoi n'aboie elle pas... Cet ajout pas très utile semble être une manière de présenter Stella au jeune public.
- La manière dont Michael tombe du bateau, en conflit avec son père en choisissant délibérant de sortir dehors , paraît irréaliste, là ou dans le roman il sont tous pris de cours par la tempête ce qui explique l'inattention.
- Le rituel de Kensuke est complexifié et rendu plus poétique dans le film. Le personnage de Tomodachi, le petit signe, est un ajout.
- Le film apporte une dramaturgie supplémentaire avec les orang-outans : pas de perte dans le livre. Bien que plus violent, ce choix appuie encore plus la violence insensée des braconniers.
-Le parallèle dressé entre les adieux de Kensuke à sa fille et les adieux à Michael.
- contrairement au roman, il n'y a pas de scène où Michael (narrateur à la première personne) rencontre dix ans plus tard le fils (qui est une fille dans le film) de Kensuke qui a survécu - dans tous les cas l'exil et la solitude de l'ancien soldat restent très touchants.
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Créée
le 20 mars 2024
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