Au-delà de la relation qui unit Ennis et Jack, le film explore leurs vies mais aussi leurs émotions et comment celles-ci évoluent. Comme la passion est peu à peu remplacée par l’effervescence, la routine, la lassitude, le manque, la frustration, les regrets… Tout autant de sentiments qui se succèdent à travers chaque scène, où les deux protagonistes suivent le cours de leurs vies, s’entrecroisent avant de se séparer un peu plus. Où quand l’innocence des débuts, la pureté de leur amour se voit confronter non seulement au contexte social, la distance géographique, mais aussi son évolution au fil du temps. Le coup de foudre est-il éternel ou n’est-il qu’un instant qu’on cherche à recréer ?
Donc plus que cette romance homosexuelle, ce qui marque dans ce film, c’est comment celle-ci prend place dans le temps, comment elle évolue, comment elle change sous l’influence de la vie vécue par les protagonistes, leurs ambitions, leurs convictions, leurs responsabilités. Et alors que les années s’engrènent, on réalise à la fin qu’elles sont passées à une vitesse folle et ne laissent que les regrets devant ce pacte brisé. La conclusion en sera donc dramatique et tragique, de par sa férocité sans pitié, comme si elle avait été inexorable.
Bien sûr, le contexte même de l’amour qui uni Ennis et Jack le rend beau et touchant, mais le film va bien au-delà de ça, parce que, ce qu’il nous présente est l’essence même de l’amour. On le voit d’ailleurs très bien avec Alma, Lureen ou Cassie : il manque clairement quelque chose, une étincelle, pour que les couples fonctionnent, là où pour Ennis et Jack, tout semble naturel. Et comme je le disais, loin de dessiner un amour parfait, Brokeback Mountain dépeint surtout un amour réaliste, véritable, crédible, et c’est ce qui le rend d’autant plus touchant, c’est ce qui fait qu’on peut s’y identifier aussi facilement, et c’est la raison pour laquelle on s’y attache.
Le casting est dans l’ensemble plutôt bon. Michelle Williams et Anne Hathaway forment un très bonne contrepartie, même si elles sont introduites assez tard dans le film. Elles sont tout aussi importantes pour le déroulement de l’intrigue et leurs prestations s’accordent avec celles de Jake Gyllenhaal et Heath Ledger. Tous deux sont très bons, que ce soit dans la dynamique entre eux, mais aussi son évolution à travers les années et comment chacun va évoluer de façon différente avec le temps. La musique belle et magnifique accompagne le film pour créer une ambiance presque mélancolique par moment. Les décors sont fabuleux (mais bon, le Wyoming quoi) et la mise en scène d’Ang Lee reste au final très classique mais nous plonge dans son film avec une aisance rare. C’est efficace et la caméra cadre toujours l’importante, jouant beaucoup sur le ressenti, les non-dits.
Le Secret de Brokeback Mountain est un film qui dégage une puissance assez rare, qui nous captive dès les premiers instants jusqu’à son dénouement dramatique qui s’inscrira pourtant dans une logique cohérente avec ce qu’il développe.