Neuf après Le Désordre et la nuit (1958) et trois ans avant La Horse (1970), Gabin est encore et toujours aux prises avec un trafic de drogue qui se fait dans son dos, cette fois dans le café dont il est le propriétaire ! (On pense aussi à Belmondo dans Le corps de mon ennemi.) Ainsi s’ouvre Le Soleil des voyous, production française de facture américaine, à la réalisation scolaire quoique relativement efficace et qu’un Jean Gabin en pleine forme, âgé pourtant de 63 ans, suffit à rendre sympathique.
Retrouvant un vieux copain de régiment rencontré en Indochine et joué par Robert Stack, Gabin se lance dans un casse préparé de longue date, celui de la banque où une base militaire américaine voisine place son argent. Les sacs sont étiquetés SHAPE, autrement dit : c’est l’argent de l’OTAN – le film ayant dû être tourné juste avant que le retrait de l’Alliance par le général de Gaulle soit effectif.
Tout cela donne lieu à une mise en scène plutôt académique marquée de deux influences : le professionnalisme à l’américaine, avec ses micros, ses gadgets (qui paraissent d’ailleurs un peu démesurés pour le braquage d’une petite banque de province) et ses bagarres chorégraphiées, y croise l’authenticité à la française : quelques répliques bien trouvées, de la misogynie gentillette et, comme souvent dans les films de Gabin, un regard mi-amusé, mi-inquiet sur cette société qui change trop vite (à travers le personnage le Betty notamment).
Bref, un film bien foutu, peu connu dans la carrière de Gabin et qui mérite la redécouverte si l’on a pas peur du classicisme classicisant.