Avec Fantasmagorie en 1908, Emile Cohl n'a pas réalisé le premier dessin animé de l'histoire du cinéma, mais fait un pas décisif pour ce genre de films. Après cette réussite, Cohl ré-exploite l'animation 'en volume' ou image par image (la 'stop-motion') dans trois cent films où il introduit des marionnettes, des objets (Mobilier fidèle) comme des allumettes, ou simplement des êtres humains.
Parmi les films directement dans la lignée de Fantasmagorie, avec des personnages dont seuls les contours sont dessinés sur un fond monochrome, Cohl réalisera notamment les opus des Fantoches (Drame puis Le cauchemar) et Songe d'un garçon de café. Ce dernier rapporte la rêverie d'un serveur aux traits sévères. Les courts moments éveillés, au début et à la fin, sont rapportés par des prises de vue réelles ; le temps onirique est sous forme dessinée. Une nouvelle fois, Cohl enchaîne des visions loufoques, parfois régressives ou sinistres, poétiques à d'autres moments. Contrairement à Princess Nicotine (1909) où la consommation de substance licite mais toxique est heureuse, ici elle plonge dans les tourments (en torturant le clivage entre bon/mauvais – et naturellement, une goutte de poison corrompt un ensemble pur, même lorsqu'il semble encore attractif).
Ce film semble parler un langage inconscient, sans courir après les artifices : il y a toujours une continuité dans les idées et des motivations claires, toujours primaires (physiques ou émotionnelles) et liées au désir de boisson. Cohl est épanoui dans son art (pas au sommet), en mettant de la rigueur dans la profusion créative et tenant sur une durée moyenne (5 minutes). Son œuvre en général est assimilable à toutes les prémisses du surréalisme, dont les représentants français dans les années 1930 repêcheront Méliès. Cohl mourra quelques heures avant son collègue (20-21 janvier 1938), dans des conditions médiocres alors que Méliès aura vécu, sur la fin, de quoi nourrir L'invention d'Hugo Cabret et par extension le film homonyme de Scorsese.
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