Black iPhone
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En 2003, le petit Craig est engagé par M. Harrigan, un milliardaire acariâtre, pour lui faire la lecture des oeuvres de sa bibliothèque. Après plusieurs années d'une relation amicale, ce dernier décède. Lors de l'enterrement, Craig glisse le smartphone qu'il avait offert au vieil homme -et auquel ce dernier était devenu accro- dans son cercueil. Peu après, l'adolescent reçoit ce qui semble être un message du défunt...
Ce n'est pas faire injure à Stephen King de dire que sa nouvelle "Mr. Harrigan's Phone" n'était pas la plus notable de son recueil "Si ça saigne". Loin d'être déplaisante à lire grâce au talent de conteur de l'écrivain, elle n'en demeurait pas moins mineure et, en ce sens, on ne pouvait sans doute pas s'attendre à ce que le matériau de base soit transcendé de façon ahurissante par le biais d'une adaptation cinématographique. En l'état, c'est le cas, ce long-métrage made in Netflix (produit par Ryan Murphy et Jason Blum) ne sera sûrement pas l'oeuvre inspirée de Stephen King qui viendra en tête lorsque l'on pensera aux plus majeures d'entre elles mais, en termes stricts d'adaptation, il faut bien reconnaître que John Lee Hancock s'en tire honorablement pour mettre en valeur l'ambiance et les thématiques développées au sein de la nouvelle.
Là où certains auraient été prompts à tomber dans le piège du simple aspect "téléphone qui tue" issu de l'écrit pour n'en faire qu'un énième film d'épouvante bas du front, le réalisateur-scénariste a le mérite de s'attacher avant tout à la dimension humaine de l'intrigue, en prenant notamment le temps de faire vivre à l'écran tout ce que recouvre le lien qui unit Craig à M. Harrigan, bien épaulé par la bonne prestation d'acteurs familiers de l'univers de King (Jaeden Martell de "Ça" et Donald Sutherland déjà présent dans le téléfilm "Salem's Lot" de 2004).
Élément toujours savamment travaillé et redondant des livres du romancier (de "Cœurs perdus en Atlantide" à "Un Élève Doué"), la relation initiatique entre un vieil homme énigmatique et un jeune garçon trouve en effet ici de solides appuis en faisant de Craig un enfant incapable de surmonter la mort de sa mère mais qui y trouve un exutoire inattendu via ses séances de lecture avec le milliardaire âgé. À travers le partage autour des livres, le film construit peu à peu l'identification de Craig à ce mentor enfermé délibérément dans sa solitude, faisant du refuge de leurs rendez-vous un parfait échappatoire/subsistut relationnel à sa douleur. Puis, apparaît le smartphone dans le quotidien de ces deux êtres, un appareil qui permet à Craig de gravir quelques échelons sociaux dans son lycée mais qui est aussi un moyen de s'ouvrir au monde pour l'anachronique M. Harrigan, néanmoins pas dupe des effets néfastes d'un tel bouillonnement numérique d'informations entre ses mains (les fake news souvent dénoncées par King). Et, quand le milliardaire décède, c'est tout bonnement une partie du monde de Craig qui s'effondre, l'adolescent refuse une nouvelle fois de faire le deuil de cette relation et va la poursuivre dangereusement à travers ces messages venus de l'au-delà...
Même si elle est très bien mise en place, cette évidente métaphore à la fois de notre dépendance aux nouvelles technologies et d'un adolescent choisissant de sombrer dans une addiction plutôt que d'avancer va paradoxalement commencer à montrer ses limites quand Craig se retrouve aux prises avec les manifestations du téléphone et leurs conséquences.
La première et plus importante d'entre elles, fondatrice de la chute de Craig dans une spirale de noirceur qu'il ne maîtrise plus, ne sera pas à remettre en cause mais, en voulant jouer sur une répétition aux airs de symbolique d'une rechute à une addiction pour son jeune héros, "Mr. Harrigan's Phone" se met dangereusement à faire du surplace en attendant que Craig raccroche... enfin... referme inévitablement cette page de son passé pour se tourner une bonne fois pour toute vers son avenir. C'est probablement lors de cette dernière demi-heure/partie que le film échoue le plus à prouver que le contenu de la nouvelle recelait suffisamment de matière pour s'étaler sur la durée d'un long-métrage.
À cause de cela, en tant que nouvelle ou film, "Mr. Harrigan's Phone" ne laissera donc pas le souvenir le plus impérissable qu'il soit mais son adaptation aura eu au moins le mérite d'en retranscrire fidèlement l'atmosphère, ses degrés de lecture et ses personnages. Récemment, tous les films inspirés des romans de Stephen King n'ont pas toujours été aussi respectueux et en harmonie avec l'esprit de leurs matériaux d'origine. Rien que pour ça, on vous conseille de décrocher aux appels de ce M. Harrigan.
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le 5 oct. 2022
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