Le Français s'inquiète généralement peu de sa forêt nationale dont il pense qu'elle n'est pas menacée puisque son taux de renouvellement est positif. Le documentaire de François-Xavier Drouet vient perturber notre sérénité sylvicole en démythifiant cette prétendue bonne gestion forestière à laquelle l'industrie du bois nous fait croire en braquant ses projecteurs sur le seul aspect quantitatif d'une replantation qui cache en fait une mono-typification des forêts. Pour ce faire, il a filmé au travail les divers acteurs de cette filière économique qui, malgré sa matière première ligneuse, se calque de plus en plus depuis trente ans sur le modèle de l'extraction à flux tendu issu de l'industrie pétrochimique. Les images qui accompagnent les interviews des forestiers les plus productivistes montent éloquemment la mal-forestation si peu médiatisée qui en résulte.
Loin de nous assommer en nous bombardant d'informations denses à un rythme effréné, le réalisateur prend le temps de laisser s'exprimer les différents forestiers et de filmer les forêts plus ou moins riches que leur mode d'exploitation produit. Le grand écran permet d'apprécier comme il se doit cette immersion forestière et d'être saisi par les images de coupes-rases qu'il a réussi à obtenir en se faufilant dans les rares brèches des nombreuses barrières que les acteurs de l'industrie forestière ont érigées sur sa route.
Assortissant son cri d'alarme d'une mise en lumière des alternatives qui permettraient de transformer l'indignation en action, le documentariste n'oublie pas de braquer son projecteur aussi bien sur la résistance des agents de l'Office National des Forêts que sur l'organisation de simples citoyens pour acheter collectivement des terres forestières à préserver. On en sort alors avec la double envie d'aller se promener dans une forêt pas trop amochée et de participer à l'un de ces groupements qui veillent à en assurer la pérennité.