Critique aux Cahiers du Cinéma pendant 8 ans (1993-2001), Cédric Anger s'implique sur plusieurs tournages, notamment pour des travaux de Xavier Beauvois : il est crédité pour les scénarios de Saint-Matthieu (2000) et du Petit Lieutenant (2005). Définitivement passé du côté des créateurs (il tourne le court Novela dès 2002), il réalise en 2007 son premier long-métrage : Les Tueurs. Comme le confirmera son opus suivant, L'Avocat (avec Magimel), l'approche d'Anger, au moins à ses débuts, est à la fois des plus triviales et atypique. En attendant le coup-d'éclat du troisième opus (La prochaine fois je viserai le cœur avec Canet, assumant un parti-pris introspectif radical), les deux premiers films flottent entre divers repères : entre le bis et le maniérisme, le déballage de fixations insolites et un classicisme étriqué, la solennité et les bouffées sensuelles.
Malgré ses atours de thriller et ses ambitions de film noir (avec le pacte presque opaque entre le tueur à gages et sa cible), Le Tueur est un produit assez libre, s'autorisant quelques digressions et des écarts de 'langages' à foison. Les ruptures de tons sont parfois radicales et donnent l'impression d'un programme très rigide, mais soumis à des caprices, des entêtements d'autres genres ou d'autres mondes faisant peser leur poids sur la petite trame banale du film. Les remarques vaines et malines abondent, avec plus de ferveur et d'équilibre que dans l'opus suivant, où l'humour ne trouvera pas sa juste place. Avec un minimum de recul, le film apparaît décousu ; ce n'est pas le brouillard, mais une somme de mélanges incertains, quoique le résultat soit fonctionnel. Le Tueur apparaît comme un essai charmant, soucieux de son style, préférant s'en tenir à la surface ou aux expressions fugaces quand à ce qu'il doit communiquer.
Il ressemble donc beaucoup au personnage-titre, interprété par Grégoire Colin (présent dans Novela). Cet acteur, souvent vu chez Claire Denis, met son physique original au service d'un individu assez glauque, mais sympathique : ce tueur à gages est une bête froide, minimaliste, mais avec une seule parole. Il a une aura réaliste, loin des thrillers US, des fantasmes de loups solitaires à la Drive ou à la Eastwood ; son côté anti-romantique permet à la bête, même lorsqu'elle flanche, de conserver toute sa prestance. En revanche le personnage de Gilbert Melki est peu et mal exploité, comme si les fatalités pesant sur lui justifiait de tout jeter d'emblée à la poubelle, y compris chez les auteurs. Mélanie Laurent, alors à l'aube d'une fulgurante ascension (deux ans plus tard dans Inglourious Bastards), écope d'un rôle pittoresque, avec tout ce que ça peut recouvrir de brutal. Enfin Beauvois arrive encore à se loger dans un second rôle 'ingrat', dans son éternel peau de penaud en décalage.
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