Schnocks On Wood

Si le manque de moyens peut expliquer beaucoup de choses et rendre indulgent le regard critique, en revanche l'argument se saurait se suffire à lui même pour tout pardonner. Don't Go In The Woods ou Le Tueur de la Forêt est un petit film quasiment amateur tourné par James Bryan et qui ne sera distribué qu'en VHS au début des années 80 puis en DVD par l'éditeur Uncut Movies qui au passage nous fait croire que nous sommes en présence d'un classique oublié de l'horreur. Un film fauché donc avec une argumentaire ultra-rabattu puisque le film ne raconte rien de plus qu'une histoire de campeurs et promeneurs aux prises avec un tueur resté plus ou moins à l'état de bête sauvage.

Le film tourné dans l'Utha pour environ 20 000 dollars est une sorte de slasher dont on pourrait chercher quelques inspirations du côté de Vendredi 13 ou du survival type La Coline a Des yeux. Même si le réalisateur semblait vouloir faire pencher la balance vers une sorte de comédie horrifique, on comprend assez vite que c'est surtout la connerie et la nullité de l'ensemble qui va vraiment prêter à sourire. L'essentiel du casting est composé d'amis du réalisateur, de techniciens et de leurs potes et l'on constatera très vite que parmi ces différents carnets d'adresses ne figurait pas vraiment d'étudiants en art dramatique. L'ensemble des comédiens et comédiennes est assez catastrophique, un sentiment encore rehaussé par des dialogues entière refait en post production. Quant au tueur interprété par Tom Dury et doublé occasionnellement par le réalisateur lui même, c'est une sorte d'homme des bois hirsute entre le vieil ours décati et le sauvage à poil gras. On conviendra que l'histoire globale du film n'a pas du provoquer de graves crises d'inspiration au scénariste Garth Eliassen qui semble pourtant avoir épuiser d'un coup toute sa sève créatrice puisque Don't Go In The Woods reste son seul et unique film. Le pire c'est que même si le film ne raconte rien il se paie le luxe de souvent mal le faire introduisant des personnages n'importe comment et mettant parfois en exergue des enjeux ridicules comme le fait qu'après une toute petite journée les personnages semblent tous être morts de faim au point de lécher des vieilles assiettes en carton trouvées dans des poubelles. Dans l'ensemble le film est donc très con et les éléments comiques tombent assez systématiquement à plat que ce soit l'aspect décalé de certaines victimes (ornithologiste, pêcheur, artiste peintre, touriste habillé tout en rose) ou certains gags comme lorsque après une bonne frayeur on fait remarquer à un campeur qu'il a fait dans son pantalon avec une petite musique qui fait « Tadadada Tsoin Tsoin ». Le seul gag assez amusant et cruel du film est bien trop mal exploité pour être vraiment drôle, ce type qui galère avec son fauteuil roulant pour monter tout en haut d'une route forestière pour admirer le panorama aurait sans doute du revenir durant toute la durée du film,comme une sorte de respiration comique soulignant tous les efforts et le chemin de croix du pauvre type en fauteuil qui une fois tout en haut aura à peine le temps de se délecter du paysage avant d'être décapité par le tueur.

Techniquement le film est très pauvre et lors des rares scènes nocturnes le film devient tout simplement illisible, dommage car le cadre naturel est lui plutôt joli et très cinématographique. Niveau horrifique il faut reconnaître que avec une quinzaine de meurtres le body count est conséquent et que le sang, mélange de colorant et de sauce barbecue, coule à flot ; pourtant le film reste bien loin de sa sulfureuse réputation de monument gore dont l’extrême violence provoquera l'interdiction. Avec deux trois effets gore rudimentaires et des corps tartinés de sauce barbecue on est assez loin des œuvres les plus sanguinolentes du genre. En revanche si il y-a bien un point sur lequel Don't Go In The Woods est horriblement stressant c'est bien avec l'horripilante musique de H Kingsley Thurber (reconverti ensuite dans les BO de jeux vidéos) qui vous vrille les nerfs autant que les tympans. J'aurai une pensée émue pour les différents instruments utilisés tant on a l'impression qu’ils ont été maltraités pour pouvoir en tirer des sons aussi crispants et désagréables.

Don't Go In The Woods a le cul en équilibre entre beaucoup trop de chaise pour ne pas finir par se vautrer par terre. Le film n'est pas assez sérieux pour être horrifique, pas assez drôle pour être comique, pas assez bon pour être honnête, pas assez mauvais pour devenir un bon nanar même si c'est vers cet aspect que le film tend le plus irrémédiablement pour peu qu'on ne s'y ennuie pas trop. J'avais besoin d'une petite respiration dans mon marathon Jason/vendredi 13 et voilà que masochiste je me coltine ce genre de bousin, au moins voilà typiquement le genre de film qui fait relativiser le plus miteux des Vendredi 13.