Le Voyage de Chihiro (2001) est le 8ème film de Miyazaki. Il fait suite à Princesse Mononoke et précède Le Château ambulant. C'est le plus grand succès de l'histoire du cinéma japonais à ce jour. On y trouve une petite fille de 10 ans, Chihiro, qui donne son nom au film. Cette fois ce n'est pas une princesse ! Il s'agit en quelque sorte d'un voyage initiatique comme c'était déjà le cas avec celui de Kiki dans Kiki la petite sorcière, mais pas le même type de voyage. En effet, le titre original du film : Sen to Chihiro no kamikakushi, soit « Kamikakushi de Sen et Chihiro », "Kamikakushi " signifiant « caché par Kami », signifie la disparition mystérieuse, ou la mort, d'une personne à cause de la colère d'une divinité. Il est raconté que dans l'Ancien Japon, des enfants disparaissaient souvent et étaient retrouvés des années plus tard dans des tombeaux ou des temples.
Il s'agit donc d'un voyage dans un autre monde, dans le monde des rêves, dans le monde des esprits ou dans le monde des morts, ou tout cela à la fois. On ne peut pas s'empêcher bien sûr de penser à Alice au pays des merveilles ou au Magicien d'Oz, pour cette jeune fille qui va se retrouver dans un autre monde animé d'une autre logique que celui d'où elle vient. Cette petite fille capricieuse au début va se transformer. Craintive, peureuse, elle va être confrontée à la dure réalité de la vie dans ce monde où les humains sont considérés comme des parasites et va devoir travailler pour s'adapter et survivre. On découvre alors le "onsen", établissement thermal traditionnel japonais. Ici, le Onsen ressemble plus à une usine, dirigé par la cupide Yubaba. Chihiro, qui a du abandonner son prénom pour Sen rencontre alors des animaux anthropomorphes qui font penser à ceux du Vent dans les saules.
Le nom de Yubaba rappelle la Baba Yaga du folklore slave, encore plus si on pense au rôle double de la Baba Yaga, tantôt adversaire du héros, tantôt bienfaitrice, et qui a ici "deux visages" dans la mesure où la sorcière a une sœur jumelle Zeniba. Peu à peu Chihiro va révéler des qualités morales, comme la bienveillance et la générosité
On retrouve également le thème de l'hubris de la nourriture et de l'argent, symbolisé par le Sans-Visage. En effet, celui-ci ne fait que manger. Il mange tout ce qui est à sa portée, y compris les personnages, et cela le rend de plus en plus gigantesque et monstrueux. Celui-ci a en même temps le rôle de génie, comme le génie de la lampe dans Aladin, pour Chihiro, puisqu'il lui rend service ou lui propose d'accomplir ses vœux. Mais elle n'est pas intéressée par l'argent qu'il lui propose, alors que les employés du onsen le sont. Il s'agit ici peut-être une critique du capitalisme et de la société de surconsommation qui s'est emparé de la société japonaise.
Le Sans-Visage symbolise également la question de l'identité. Il est représenté portant un masque du théâtre nô, le masque étant ce qui permet de cacher son visage, et en changeant de visage, changer d'identité. C'est ce qui permet d'être une nouvelle personne ou d'être personne. La transformation de Chihiro continue, de craintive au début, elle va devenir véritablement courageuse. Le Voyage de Chihiro est sans doute le film le plus abouti et le plus riche et le plus symbolique de Miyazaki à ce moment de sa filmographie avec l'excellent Mononoke.