C’est un missile que j’envoie. Du moins je l’espère. J'ambitionne de faire de cette critique THE critique négative de ce film, car il en manque considérablement. Pourquoi tant de haine me direz vous? Repartons du commencement.
Traînant sur Sens Critique depuis quelques temps déjà, je n’avais pas manqué de remarquer quelques intéressants tops, tels que « meilleurs films d’animation ».
Ayant aperçu le « Roi et l’Oiseau » en 5e place, je fulminais déjà. Cependant je me calmais, me disant que les films le précédant devaient être géniaux.
Ce film, je l’abordais aussi objectivement que possible, en essayant de ne m’attendre à rien.
Cependant, foin de mes propres états d’âmes, j’ambitionne de faire une critique aussi objective que possible et ce n’est pas en commençant par dire ce que vous avez déduit de ma note que cet objectif sera atteint.
DONC. Le « Voyage de Chihiro », film sorti en 2001, gros succès commercial, Ghibli, Miyazaki, Hisaishi ect, etc. Tout le monde connaît ce film ici.
Nous pouvons donc commencer. Ici je vais principalement faire le décompte de ce que j’ai aimé ou pas dans le film. Commençons par le positif.
Chihiro est esthétiquement beau, on ne peut le nier. Loin de moi l’idée de m’extasier sur les graphismes comme à peu près tout le monde sur ce site, mais ils sont beaux. Fait à l’ordinateur, donc le réalisme y gagne ce que la poésie y perd. Bon. Simple choix d’animation disons.
L’histoire est également originale, réinventant l’univers miyazakien dans sa continuité. On y retrouve tous les éléments ayant fait le succès de Miyazaki, mais ça nous y reviendrons.
Je ne vais pour vous faire attendre plus longtemps. Si vous avez cliqué sur ma critique, c’est pour voir Chihiro se faire défoncer dans les règles, hein je vais pas faire le faux-derche ici. A noter cependant que lorsque Chihiro est en italique, c’est le film que je mentionne. Je n’ai rien contre la pauvre fille de 10 ans en elle même.
I : Des personnages pauvres
Et direct on attaque.
Les personnages. Parlons en. Sautons les parents qui n’ont rien de transcendant, et n’apparaissent pas suffisamment.
Chihiro n’a aucune personnalité. C’en est flagrant. Regardez l’affiche du film. Elle est impassible. Je vous rassure, elle restera comme ça tout le film ou presque.
Mais là encore n’est pas le principal problème. Le problème est que, sous couvert d’un choix scénaristique se voulant original (Chihiro perd sa personnalité après le deal avec la vieille Yubaba), on se retrouve après 30 min de film avec une héroïne en carton pâte. Sans aucune profondeur. Difficile donc de ne pas s’ennuyer avec un tel personnage principal, d’autant plus que les secondaires, relativement peu présent, ne sauvent pas les briques.
Pour en revenir à Chihiro elle même, il est dit sur Wikipédia : « cette fillette de 10 ans saura grandir et gagner confiance en elle afin d'affronter différentes péripéties ». La belle affaire. Il me semble surtout que Chihiro n’a rien retenu de son voyage mirifique, ou du moins rien qui nous soit transmis efficacement dans le film. C’est là un paradoxe : avoir centré tout son film sur une héroïne amorphe qui ne pense pas par elle même, se laisse porter par les évènements et sa chance insolente (notamment la scène finale où elle retrouve ses parents parmi les cochons).
Pire encore, Wikipédia se gargarise que Chihiro parvienne à triompher des « épreuves » en question, qui sont essentiellement ça : tirer pour avoir de l’eau chaude et frotter les dos des méchants monstres. Tellement dur que ce sont des grenouilles qui le font dans le film.
Pire encore que ce qui était pire encore, on nous dit que le parcours de Chihiro se déroule en 2 parties : d’abord elle doute, puis elle gagne en confiance en elle et devient une « femme forte » si chère à Miyazaki. Outre le fait qu’un tel parcours est caricatural, c’est surtout étrange.
Si être vaguement inquiet à l’idée de pénétrer dans un monde peuplé de monstres féroces changeant les gens en cochons est votre définition de « douter » (par opposition à la « guerrière » miyazakienne, qui ne doute pas), alors tout le monde est d’accord pour dire que c’est bizarre, non ?
Comment voulez vous que dans de telles conditions une gamine de 10 ans soit calme et détendue ?
Je passe sur les « suies », auto-plagiat flagrant de Totoro, et sur l’homme-araignée, emprunté gentiment (mais pas rendu) au folklore japonais. Ils n’apportent pas grand chose au film. C’est du pur fan service. Je passe aussi sur le bébé insupportable, ayant pour seul but de faire rire à pas cher.
Maintenant, il nous faut évoquer la sorcière.
J’ai beaucoup entendu, chez les admirateurs béats de ce film, « oui mais elle c’est un personnage ambigu, pas méchant mais pas gentil… pas comme dans les immondes Disney… ».
Permettez moi de rire. Une sorcière (remarquez déjà le terme « sorcière ») qui mène de manière dictatoriale son usine, maltraite ses employés (elle les aliène symboliquement en leur enlevant leur personnalité), surgâte son enfant, et possède une sœur jumelle qui est ouvertement « la gentille », est forcément manichéenne.
Citez moi UN passage où elle ne l’est pas. Ah oui à la fin où elle est inexplicablement gentille avec Chihiro. Cependant, quand bien même se serait de la gentillesse désintéressée (si elle récompense Chihiro qui lui ramène son bébé perdu, ça compte pas, Staline aussi avait des enfants), c’est au mieux de la schizophrénie, et au pire un personnage mal construit, par ce que ça tombe de nulle part.
BREF. Je n’est à dire de plus d’un personnage qui ne fait finalement rien et n’apparaît que peu (pensez à Scar du Roi Lion : lui il apparaît beaucoup et lui a un vrai projet, plutôt qu’être méchant pour le plaisir).
« Oui mais elle elle gère son entreprise de bains et les humains (qui sont méchants selon Miyazaki ne l’oublions pas) sont des fléaux, donc du coup elle est méchante envers eux, faut la comprendre ». La comprendre de rien du tout, oui !
A quel moment lui a-t-il paru judicieux de changer deux humains en cochons(!), alors qu’ils avaient juste mangé deux trois trucs, qui étaient posés là sans surveillance ?
CEPENDANT, je pourrais comprendre que les personnages soient nuls. Car ce film, tout porte finalement à croire que c’est un « film à concept ». Film qui, comme son nom l’indique, expose des concepts. Ici, les personnages ne sont donc volontairement pas construits car ils ne servent qu’à être outil du scénario : ce qui leur arrive est plus important qu’eux-mêmes.
MAIS (ça devient une habitude ces majuscules), là se trouve le problème, que je vais détailler maintenant.
II : La recette Ghibli, ou l’application par Miyazaki de moyens banals pour un film banal
C’est ici que se cristallise la première grande critique que je fait de ce film (le reste pouvant être considéré comme de la mauvaise foi) : Miyazaki déroule lourdement sa recette. Triste à dire mais vrai.
On peut compter si vous voulez. On a :
• la fille timide d’abord, qui s’affirme ensuite,
• le monde merveilleux et inconnu,
• les créatures du folklore japonais,
• un message écologique (il me semble, peut être devrais je le mettre en italique celui-là),
• une forme de « non manichéisme » dont se gargarisent les fans de Miyazaki,
• l’allié masculin, qui souffre d’une malédiction (tiens? Coucou Mononoké),
• et de manière plus générale, tout un tas de bazar dont on ne connaît ni le pourquoi ni le comment, mais on s’en fiche, c’est du Miyazaki donc c’est bien (on en reparlera aussi).
Et en reparlera même maintenant. Quand je dis « tout un tas de bazar», je parle de quoi selon
vous ? Réponse : de tout. Tout. Tout dans cet univers est un immense bazar. Expliquez moi comment un univers qu’on vous balance comme ça est censé faire rêver ? Faire rêver. C’est vraiment une obsession des fans de Chihiro. Entre « l’ode à l’enfance/l’imagination/l’émerveillement » et de la « pure poésie japonaise » (cynique référence à la critique de quelqu’un), il n'y a vraiment que ça.
Je vais ici m’attaquer à tous ça d’un bloc.
Pour faire rêver, selon moi, il faut un univers mystérieux dans lequel on se plaît à s’imaginer.
Pour cela, il faut CRÉER un univers, en faisant la part des choses entre décrire complètement ce dernier, annihilant la place du rêve et la non-description de ce dernier, qui ne permet pas de se projeter dans un univers dont on ne sait rien.
C’est dans cette dernière catégorie que se place Chihiro. Soit par faiblesse scénaristique (ce que je ne crois pas) soit par conviction que c’était mieux comme ça, Miyazaki n’a pas fait l’effort de décrire son univers, qui n’en est donc pas un.
Se faire balancer à la tête une série de monstres à tronche de ramen et des images d’hôtels japonais, j’appelle pas ça « créer un univers de fantasy ».
Ainsi, le Roi Lion fait rêver car il fait la part des choses entre trop de description et pas assez.
Le monde de Chihiro est pauvre, pas au sens économique (quoique), mais au sens culturel.
Rien ne le compose : il n’est que des bains japonais (donc n’ayant rien de fictif) avec des
des pokémon/yokai dedans. C’est tout.
Si vous ajoutez à ça une identification aux personnages presque nulle, alors ça donne un curseur de rêve pas loin de zéro.
Après, faire rêver n’est pas une propriété intrinsèque d’une œuvre. Si 1984 vous fait rêver, libre à vous (mais je vous déconseille d'aller voter). Personne ne peut décider pour vous de ce qui vous fait rêver.
Deux conséquences à cela : je n’ai pas le droit de vous dire « Chihiro ne fait pas rêver » et vous n’avez pas le droit de me dire l’inverse.
Pourquoi ce passage de ma critique alors ? C’est car j’ai tellement entendu cet argument que je devais en parler. C’est tout.
Vous comprenez donc que le terme « ode à l’imagination/l’émerveillement » me sorte un peu par les yeux. En ce qui concerne l’ode à l’enfance, libre à vous de considérer ce film comme un film pour enfant ou non, hein. Personnellement, mon choix est fait : ce film n’est pour personne. Pas dans le sens où il ne vise pas spécifiquement les enfants, mais parce qu’il est conçu comme un film tous publics (vraiment tous publics, pour adultes comme enfants), mais en définitive n’est rien. Ce film n’est rien. On ne peut à peine dire qu’il soit pour enfant, car les thématiques (maladroitement) abordée ne le sont pas.
C’est ici que je parle du/de Sans-Visage. Les plus observateurs auront évidemment vu qu’il manquait à ma description des personnages. Pas de panique, loin de moi l’idée de passer ce personnage sous silence.
En fait, c’est même le plus intéressant.
Rencontrant Chihiro de manière anecdotique, il se met à développer un véritable complexe de je-ne-sais-quoi avec elle, et devient obsessionnel et presque violent.
Là, il faut parler de ce que les fans aiment à rappeler quand ils évoquent la complexité de ce film.
Le thème de la prostitution infantile, ô combien infamant au Japon, où il est une triste réalité. Miyazaki ayant avoué lors d’une interview que la conduite de SV (je l’appelle comme ça c’est plus pratique) s’apparentait en fait à du clientélisme protitutif.
Mon cœur de rapace cynique avait d’abord accueilli froidement cette nouvelle.
Du genre « c’est pas ça qui sauve le film ». Ben en fait si, un peu.
Vue comme ça, la quasi romance entre le SV et Chihiro devient incroyablement malsaine. Chose bienvenue dans l’atmosphère finalement assez rose bonbon de ce film. Le SV est alors une métaphore du riche client croyant que l’argent achète tout. Rappelons qu’il fait littéralement pleuvoir les pépites d’or pour avoir Chihiro.
Le fait qu’il n’est pas de visage servirait alors à le déshumaniser. Bonne métaphore pour le coup.
C’est finalement la seule bonne trouvaille de ce film.
III : Réflexion Diverses et Conclusion
Finalement, ce film n’est pas un film à message. C’est un film qu’on regarde parce qu’on l’aime, et c’est tout. Cela dit c’est très honorable. Aimez ce que vous voulez, personne ne peut vous juger.
Finalement, dans cette partie, on peut s’interroger sur pourquoi un tel succès d’un film pas transcendant ?
La réponse est aussi simple que décevante (pour certains).
Le spectatorat. Sur une réflexion identique que celles sur l’électorat, nous pouvons dire que Ghibli est apparu à la fin des années 80, dans une période creuse de Disney, avec de nouvelles idées inconnues par chez nous. Les sponsors se sont jetés dessus et la crise de l’animation l'a poussé au plus haut niveau.
Apportant du sang neuf, Ghinli a été accueilli à bras ouverts par des enfants qui en avaient un peu marre qu’on les prenne pour des gamins de 4 ans avec des films avec des animaux (coucou Rox et Rouky, coucou Bernard et Bianca). Là, Ghibli nous présente des films plus adultes, avec des thématiques graves, des grands enjeux, des protagonistes humains. (Je précise que je parle de Ghibli en général, puisque je considère que Chihiro a échoué à être plus "adulte").
Et surtout une forme de « poésie japonaise » (qui existe bel et bien, on ne peut le nier), là encore inconnue par chez nous.
Ghibli, finalement n’a fait que combler une demande en film de ce genre. Miyazaki y fonda sa
« recette pour un succès », chaque fois réitéré.
Cependant, ces réflexions se basent sur le studio Ghibli des origines. Celui qui animait à la main, et réalisait d’authentiques bons films.
J’ai dis que Mononoké était le dernier grand film de Ghibli. La bascule, vous l’avez devant vous. D’une grande réussite (à laquelle je consacrerais plus tard une critique), on passe à un grand échec.
Je n’ai pas vu tous les Miyazaki, loin de là. A lui de prouver qu’il aura pu se réinventer depuis Chihiro.
Conscient que je suis d’être parfois (parfois?) verbeux et peu clair, je voudrais résumer ici mon propos. Je n’inclus pas tout ce que je considère comme de la possible mauvaise foi de ma part (mon jugement de valeur sur les personnages par exemple). Si débat il doit y a voir dans les commentaires, je voudrais qu’ils se fassent sur ces trois points (les autres n’étant pas objectif) :
• Miyazaki déroule une recette avec un scénario au service de sa fantaisie (dans le mauvais sens du terme),
• Chihiro n’apprend rien de fondateur sur la condition humaine (si oui, je vous écoute),
• Le rythme est aléatoire, la trame originale étant sacrifiée au profit de sous intrigue.
J’en profite pour souligner que je n’hésiterai pas à relancer le débat dans les commentaires. En effet dans ma critique, je peux dire ce que je veux sans contradiction, ce qui est un peu écarté du débat que je veux provoquer.
En plus j’adore débattre et je serais heureux de le faire dans les commentaires, dans le strict respect évidemment.
P-S1
Je n’ai probablement pas été juste avec Chihiro. Jamais je me serais autant déchainé si ce film n’avait pas été autant adulé. Vous savez ce que c’est : plus quelqu’un admire, plus vous détestez. Je me suis rendu compte que certains éléments du film m’échappaient (il ne m’a pas laissé un impérissable souvenir donc). Peut être devrais je le revoir mais l’envie m’en manque, hélas.
P-S2
Ceci est un passage écrit initialement, mais supprimé ensuite. C’est une « scène coupée » en quelque sorte. J'avais envie de faire une telle scène coupée, un passage éclairant ma pensée mais non conservé faute de savoir où le mettre. Ça peut être utile, et c’est inédit que je sache.
Le passage en question :
« Sauf bien sûr s’il on est aveuglé par la « poésie » ambiante. Car ce que vous appeler « poésie » porte pour moi un nom un peu plus compliqué : « resucé du folklore japonais ». Je comprend qu’il puisse être original, pour un occidental, de découvrir un tel univers, mais en cherchant un peu on se rend compte qu’il s’agit juste de croyances implantées au Japon, que chaque japonais connaît. Dites moi si un film sur la mythologie grecque déchaîne autant les passions. Alors que pour les japonais, c’est peut être le nec plus ultra de la poésie. »