Le film qui a introduit Miyazaki au public occidental, et c’est une petite pépite que voilà. Même si je le trouve un poil inférieur à Princesse Mononoké, il n’en reste pas moins un film passionnant, riche en poésie, envoutant et magnifique. L’univers est très ancré dans le fantastique, mais ce n’est pas là le point central de l’intrigue, ce n’est que le contexte. Le point central, c’est bien sûr le personnage de Chihiro qui découvre cet univers avec nous, et qui en le traversant va profondément changer. Ce que je trouve fantastique dans ce changement, c’est la façon dont il s’opère. Parce qu’il est indéniable qu’entre le début et la fin, Chihiro s’est transformée en véritable héroïne, et pourtant quand on regarde le film, le changement se fait de façon si progressive et subtil qu’on le remarque à peine. Ou, pour être plus exact, c’est un changement naturel, comme si cette facette a toujours été là et n’attendait qu’à être exprimée, et elle le fait via des petits changements ici et là. J’ai rarement vu un développement de personnage aussi bien rythmé.
J’ai beaucoup aimé la galerie de personnages dans ce film, qu’ils aient un aspect « normal », mystérieux, exagéré ou complètement fantastiques. Et surtout, il y a plein de personnages tertiaires présents le moment d’une scène ou deux qui sont vraiment géniaux. J’aime beaucoup comment Chihiro évolue dans cette galerie, comment à travers plusieurs étapes, elle découvre les dessous de cet univers. Encore une fois, on peut noter l’absence de manichéisme dans le traitement des personnages, avec notamment le personnage de Yusaba qui alterne entre sorcière terrifiante et grand-mère complètement gaga, mais qui au fond essaye simplement de faire vivre cet univers, même si c’est de façon un peu tyrannique. C’est un peu à double-tranchant, parce que ça peut vouloir dire que le monde n’est pas tout blanc ou tout noir ; mais aussi que si c’est fait avec de bonnes intentions, la tyrannie peut être pardonnée.
Ce qui fait la force donc de l’intrigue, c’est donc bien le développement du personnage de Chihiro. On trouvera de très nombreux messages (pas forcément aussi forts ou mis en avant que dans Princesse Mononoké) portant sur des thématiques importantes, que ce soit le pardon, l’honnêteté et même l’amour (l’utilisation du personnage de Haku). Ce qui est intéressant dans ces messages très classiques et plutôt convenus, c’est que Chihiro va être confronté à chacun de ses messages, va trouver une solution pour intégrer ce message, et va en sortir grandie jusqu’à arriver au final, qui constitue simplement l’apothéose de sa quête. Non seulement elle a changé, mais elle est aussi devenue plus sage. On pourra noter à la fin le parallèle ultime avec le mythe d’Orphée, faisant réaliser qu’il y a quand même pas mal de lien avec la mythologie grecque dans ce film, et qu’on pourrait voir le voyage de Chihiro comme une version poétique et mélancolique des 12 travaux d’Hercules.
L’animation est au top, que ce soit dans le dynamisme de l’image ou bien dans l’utilisation des couleurs que j’ai beaucoup apprécié, créant un univers extrêmement riche sans être exubérant. Les traits sont très simples, mais efficace. J’ai surtout apprécié le travail fait sur les décors très riches en détails, et comment leur interaction avec les personnages animés a été intégrée, rendant le tout très crédible et fluide. Et puis la musique de Joe Hisaishi est toujours envoutante et magique.
Le Voyage de Chihiro est donc un film qui se concentre vraiment sur son personnage, qui ne fonctionne que grâce à son personnage, qui n’évolue que grâce à son personnage. Tout cela en rend un film sublime d’une rare beauté, empli de poésie et de mélancolie, et qui peut en plus avoir plusieurs niveaux de lectures et être inspirant. Un petit bijou donc.