Leçons de Ténèbres c’est ni plus ni moins que l’illustration du chaos. Un chaos filmé dans ce Koweït dévasté par un conflit sanglant et destructeur. Et rarement le chaos n’aura été filmé de manière aussi impressionnante et surtout de façon aussi belle. Le film développe une ambigüité intéressante car on peut prendre du « plaisir » à voir ces images de désolation bien que l’on sache qu’il y a eu des victimes humaines et qu’un drame écologique se produit. Pourtant, ce défilé d’images est scotchant. Les prises de vue aériennes sont splendides et celles au sol pendant l’intervention des pompiers au contact d’un brasier sont spectaculaires. Tantôt spectateur en hauteur, tantôt dans le feu de l’action (c’est le cas de le dire), nous sommes plongés directement dans ce chaos dont nous arrivons à percevoir toute l’ampleur via des plans larges issus des airs ou au contraire au plus près de l’enfer. A la manière d’un Koyaanisqatsi, on effectue également quelques escales auprès des habitants. Mais cette fois-ci, ils parlent, ils s’expriment, ils racontent leur perception du chaos qu’ils viennent de subir. En ça, Leçons de Ténèbres est un film qui ose, qui va filmer la réalité de la façon la plus frontale qui soit.
Pour revenir sur Koyaanisqatsi, je trouve que l’on peut dresser un parallèle pertinent dans le fond. Le film de Redgio évoquait notamment ce que l’Homme créait d’un côté et détruisait de l’autre. Leçons de Ténèbres part d’un constat de départ similaire pour une finalité différente. C’est davantage un film sur l’Homme qui combat la nature qu’il a lui-même créée. Et l’alternance des points de vue rend le traitement de ce propos intelligent. Le film dure d’ailleurs moins d’une heure, juste ce qu’il faut pour délivrer ce message, soulever ces questions sur notre nature, sur notre fascination morbide face à la destruction. Si je devais chipoter un peu, je dirais que Werner Herzog craque un peu trop sur l’utilisation de la musique classique et de Wagner. La puissance symphonique se superpose sur la puissance visuelle, ce qui est parfois de trop. Le bruit du pétrole qui jaillit et des flammes destructrices étaient suffisants pour illustrer ce désastre. Plus de simplicité avec ces sonorités naturelles aurait été plutôt bienvenu à mon humble avis. Enfin, dans l’ensemble on a quand même affaire à un documentaire saisissant qui nous embarque dans un voyage prenant ayant la folie humaine pour thème. Et j’ai adoré ce voyage.