Dans la famille Villeneuve on connaît surtout le petit Denis qui durant les dix dernières années aura tourné quelques petits films comme Premier Contact, Prisoners , Dune, Scicario ou Blade Runner 2047 ; une période durant laquelle son frère Martin se sera lui attelé à achever sans le moindre financement un seul et unique film rendant hommage à sa grand mère Imelda. Un récit en grande partie autobiographique et divisé en plusieurs segments dans lequel Michel Villeneuve dresse le portrait tendre et acerbe d'une vieille dame mi haine mi cocon.
Le film nous embarque avec Imelda qui va bientôt devenir centenaire mais qui avant d'atteindre cet âge canonique décide de régler quelques vieux comptes avec l'option de pouvoir partir en paix quitte à faire la guerre avant.
Les 12 Travaux d'Imelda est donc une comédie dramatique qui se compose de plusieurs courtes saynètes autour d'une vieille femme désagréable et vacharde mais au final plutôt touchante. C'est le réalisateur Martin Villeneuve lui même qui incarne Imelda travesti sous la perruque, les maquillages et les panoplies de cette vieille teigne attachiante. Même si le comédien et réalisateur s'en sort plus que bien, je n'ai jamais été un très grand fan de ce procédé qui d’emblée verse dans une forme de caricature et instaure une distance définitive avec le personnage. Alors oui Imelda parvient grandement à exister à l'écran, mais pas une seule seconde on oublie totalement que c'est un homme travesti en vieille dame qui l'incarne et je ne comprends vraiment pas pourquoi le rôle ne s'est pas retrouvé confié à une comédienne proche de l'âge du personnage. Peu importe, de toute évidence Martin Villeneuve s'amuse beaucoup à incarner cette grand mère teigneuse et méchante qui ne cesse de s'en prendre avec vice et malice à ses fils, sa fille, ses proches et ses amies (si tenté qu'on puisse parler d’amitié) et le plus important c'est que nous en tant que spectateur on se délecte souvent de ses petites phrases assassines, de ses remarques acerbes et de voir autant de fiel malveillant dans un si petit bout de femme. Entre chantage affectif, irresponsabilité chronique, remarques blessantes et saillis gratuites Imelda ne montre plus guère d'affection que pour son chien Pipo et son petit fils Denis parti faire du cinéma aux USA et auquel elle fait encore des chèques pour l'aider à manger… Les courtes séquences se succèdent et l'on suit avec amusement cette vieille dame qui radote ses rancœurs avec en plus une tendance à répéter des brides de phrases dans d'éternels litanies de fiel et de venin. Le découpage du film en séquences distinctes permet d'en isoler certaines bien plus savoureuses et drôles que d'autres comme la leçon de conduite ou la visite chez le vétérinaire. Car bien loin de subir sans broncher les personnages font souvent preuve d'un répondant tout aussi mordant et acerbe que celui de leur interlocutrice à l'image de son fils qui lui conseille d'aller voir ses amis au cimetière ou de sa fille qui plaide pour faire euthanasier son sale clébard qui pue de la gueule et dont le trou balle est complètement pourri.
Outre Martin Villeneuve dans le rôle d'Imelda le film s'appuie sur un gros casting d'acteurs et actrices surtout connus au Québec et qui ont presque tous acceptés de participer bénévolement au film. Robert Lepage et Michel Barette sont vraiment géniaux dans les rôles des deux fils d'Imelda complètement blasés par sa méchanceté naturelle, tout comme Anne Marie Cadieu qui incarne sa fille perpétuellement victime de son chantage affectif. A noter aussi la participation de la comédienne et chanteuse Ginnette Reno dans le rôle de Simone, une voisine et amie, une femme sourde et bien en chair qu'Imelda ne cesse ce critiquer pour son gros cul et sa prétendue suffisance, les deux personnages étaient déjà réunis dans un court métrage du réalisateur en 2020. Il Faut d'ailleurs préciser que le film tout entier ou presque est également disponible sous forme de différents courts métrages comme autant d’épisodes. Forcément sous le fiel et la carapace finiront par percer les blessures et les regrets d'une femme dont les confidences plus intimes apporteront plus de profondeur et d'émotions à une personnalité plus complexe qu'une simple teigne rabougrie comme un vieux pruneau.
Les 12 Travaux d'Imelda est au bout du compte une sympathique comédie teinté d'une profonde tendresse, sous la carapace aride de la vieille peau se cache une humanité touchante à laquelle Martin Villeneuve rend un hommage doux/amer et profondément sincère.