Critique de la version longue [2 x 2H20]
Après une escapade américaine où il alterné le bon (Volte/Face, Windtalkers) et le moins bon (Chasse à l'Homme, Paycheck, Broken Arrow), John Woo est enfin de retour chez lui, en Chine.
30 ans après La Dernière Chevalerie, il se permet en plus de revenir dans le genre historique/Wu Xia Pian, avec un projet pharaonique, son Ben Hur à lui, si on devait comparer, adaptant une toute petite partie de la plus grande histoire de Chine, l'équivalent chinois de l'Iliade et l'Odyssée, ou du Mahabharata, la Romance des Trois Royaumes. On dit souvent l'ensemble inadaptable, comme on le disait du Seigneur des Anneaux avant Peter Jackson.Au vu de la densité de l'oeuvre et des personnages, il est effectivement quasi impossible de résumer le tout rapidement.Alors, pour limiter les risques d'erreur, John Woo décida de ne s'attaquer qu'à une bataille, celle de la Falaise Rouge, divisée en 2 temps bien distincts dans les 2 parties de cette version longue.
La première s'attachant à tous ses préparatifs, l'alliance Liu Bei/Sun Quan, etc...Et la seconde se concentrant sur la bataille elle-même.Que donne donc cette première partie?On sent John Woo plus sage dans sa réalisation.L'âge?Le genre qui ne se prête pas à tous les aspects de son style?A part les colombes (et encore, si c'en était bien), je n'ai en effet rien vu de son style si reconnaissable dans ses autres films.Si ce n'est le ballet des chorégraphies de combat.Une seule grande bataille dans cette première partie, mais quelle bataille!Chang Ban concentre absolument tous les morceaux de bravoure et les grands moments, à tel point qu'elle aurait pu faire un film à elle seule.
Les miroirs, la charge de Zhang Fei, Guan Yu repoussant l'ennemi, Cao Cao qui perd sa confiance et est impressionné, Zhao Yun chargeant seul au coeur du village pour sauver la famille de Liu Bei... John Woo nous scotche au siège tout de suite pour plus nous laisser nous relever, développant ses personnages magnifiquement interprétés, notamment Zhuge Liang (Takeshi Kaneshiro) et Cao Cao (Zhang Fengyi), bien soutenus par le reste de la distribution, à l'avenant.
On y apprend ainsi que Cao Cao n'est pas motivé que par le pouvoir.On peut y voir ici le pendant de la Guerre de Troie.Mais là où Agamemnon a permis à son frère Ménélas de prendre pour prétexte l'enlèvement d'Hélène pour attaquer, Cao Cao fait le contraire, se servant de son ambition non seulement comme d'un moteur, mais aussi d'un prétexte pour son autre but. Et que dire de la séquence du duo musical entre Zhuge Liang et Sun Quan (Tony Leung), où chacun lit les intentions de l'autre dans sa musique?Et le jeu de regards entre Liu Bei (You Yong) et Sun Shang Xiang (Zhao Wei)?
Le tout est souligné par une musique absolument excellente (bravo à Taro Iwashiro), et va crescendo dans la tension jusqu'à l'arrivée des troupes à la Falaise Rouge.Action annonciatrice de la grande bataille qui va se dérouler dans la 2e partie. John Woo a toujours été un génie reconnu pour ses "hero movies".Il montre ici qu'il l'est tout autant dans le Wu Xia Pian, cette oeuvre étant sans doute la pièce maîtresse de sa filmographie, l'apogée d'une carrière bien remplie et reconnue.
Après avoir fait monter la tension dans la première partie, John Woo la fait exploser lentement, en plusieurs endroits, dans cette partie 2, dominée en grande partie par 2 femmes, qui donneront la clé de la bataille.Sun Shang Xiang qui revient du camp ennemi avec des masses d'informations, et Xiao Qiao qui va y aller pour que la stratégie mise en place par son époux Zhou Yu et Zhuge Liang fonctionne.Stratégie, tension, nervosité, jeu des sentiments (le messager envoyé par Cao Cao), idées audacieuses (comment récupérer 100 000 flèches en se débarrassant de 2 généraux ennemis au passage?)...
John Woo cristallise tout ça dans la seule bataille de la Falaise Rouge, où le combat à proprement parler n'est au final que la conséquence de tout ce jeu de dupes sur les 2 rives de la rivière.
Du grand cinéma, du grand Wu Xia Pian, du grand John Woo.