Un Tarantino au cinéma reste toujours pour moi un petit événement, depuis Kill Bill vol.1 il y a 13 ans je ne loupe aucune œuvre de ce cher Quentin en salles, et à l’exception de Death Proof je n’ai jamais été déçu en refermant les portes battantes derrière moi, ses deux derniers m’avaient fait forte impression avec toujours ce petit sentiment de jouissance qui me fait aimer plus que tout le cinoche en me donnant envie d’y retourner illico presto pour en reprendre une tranche, j’attendais évidement de retrouver cette sensation rare avec The Hateful Eight.


À vrai dire je n’avais pas forcément d’aprioris positifs ou négatifs, bien que je sois fan du réalisateur, on ne reste jamais à l’abri d’une mauvaise surprise, je ne voulais pas trop me hyper, juste simplement prendre mon pied et que Tarantino m’emporte du début à la fin durant ces trois heures de huis clos annoncé (un peu effrayantes sur le papier ... ou pas). Déjà lors de l’intro on sent que le film annonce une nouvelle couleur, là où ses anciens longs métrages étaient percutants d’entrée QT choisit de réellement placer une atmosphère avec de grands panoramiques de paysages enneigés, le souffle du blizzard, la musique soupçonnant une certaine viscéralité taciturne, puis l’instauration des premiers personnages. Toujours ce chapitrage venant découper son histoire avertissant ses spectateurs de ce qui nous est réservé, procédé mettant en appétit, les dialogues fusent déjà entre Samuel L. Jackson et Kurt Russell, j’ai été cueilli et conquis de prime abord par leurs tempéraments et leurs personnalités.


Ensuite je dois dire qu’après l’apparition du personnage de Chris Mannix (Walton Goggins) le rythme en prend un sacré coup, je trouve que les deux premiers chapitres dans la diligence trainent un peu trop en longueur pour, il faut le dire, pas grand chose, et même si c’est le style QT qu’on connait et qu’on aime ici il est limite poussé à l’extrême quitte à ressentir une lassitude assez dérangeante. J’avoue que j'ai commencé à m’inquiéter, me disant que si le film continuait dans cette volonté de laisser les anecdotes partir à froid dans tous les sens pour nous perdre n’allait pas forcément tenir la route sur les 3/4 restants, je priais pour ne pas regarder ma montre, ma hantise, ça aurait d’ailleurs été une première devant un Tarantino. Arrivé dans la fameuse mercerie de Minnie où les protagonistes veulent se protéger de la tempête l’intérêt revient pour nous faire découvrir les lieux où nous allons passer le reste du film. À la bonne heure.


C’est une fois où le personnage du commandant Warren (Samuel L. Jackson) passe la porte (le running gag des planches cloutées est amusante) que pour moi The Hateful Eight commence vraiment, les préliminaires semblent enfin terminés pour nous placer dans une ambiance des plus suspicieuse et intrigante, le doute s’installe, l’air frigorifique est à couper au couteau, les dialogues deviennent plus fluides et saisissants, le film est parti et le sourire pointe sur mon visage. Les face à face sont tendus, notamment celui entre Warren et le général sudiste (Bruce Dern), nous délectant d’une chronique incroyablement scotchante et drôle, le premier coup de feu retenti et on sait que plus rien ne sera désormais pareil, le train s'emballe et la partition de Ennio Morricone joue un rôle subtilement magistral pour constamment nous laisser sur le qui-vive. Comme à l’extérieur de la mercerie la tempête fait rage dans les esprits du groupe, quelqu’un cache son jeu, un complot se trame autour de capture de John Ruth (Kurt Russell) : Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh), rappelant bien sûr le flic à démasquer de Reservoir Dogs ou le monstre à débusquer de The Thing de John Carpenter.


L’astuce du flashback-rewind avec voix-off ajoute (enfin) une vraie touche de fun purement tarantinesque, le rythme s’accélère avec une nouvelle mini intrigue semblant être la clé de toute cette machination, les fils se délient, les masques tombent et le sang coule ... enfin gicle ! Là aussi j’ai trouvé que l’hémoglobine à outrance n’était pas forcément nécessaire, ça reste "gagesque" mais ça dessert quelque peu le ton instauré, dans le sens où à ce moment précis la situation n’est pas forcément sujette à l’humour. Le lot de surprises lui est excellemment apporté pour nous délivrer deux derniers chapitres absolument géniaux, rien n’est téléphoné, le puzzle s’imbrique dans un style très Pulp Fiction, d’ailleurs les références et rappels à sa filmo sont présents, le projet est cohérent dans une démarche qui reste à louer à la créativité de Tarantino, continuant de jouer avec le cinéma en gardant un aspect ludique pour le spectateur, il se fait plaisir et nous aussi.


En terme de mise en scène QT fait encore une véritable démonstration, la gestion de l’espace entre les plans en extérieurs et le cloisonnement entre quatre planches fait que nous sommes au plus près de l’action, les acteurs ont chacun une carte à poser sur la table pour construire une pyramide qui ne demande qu’à être détruite à coups de flingues et c’est fortement plaisant. Samuel L. Jackson se pose comme la figure de proue du récit, comme d’habitude exceptionnel chez son mentor, personne ne passe au travers, de Kurt Russell à Tim Roth en passant par Michael Madsen et Channing Tatum, je donnerais peut être une mention spéciale pour Walton Goggins qui trouve ici un rôle plus important que dans Django Unchained, brillant. La réalisation quand à elle sait trouver plusieurs points d’ancrage, passant d’une caméra posée à quelques slow motions plus ou moins efficaces, sans compter que le fond de tout ce jeu de pistes garde une conclusion riche de sens historiquement parlant, ultime petit tour de force.


En définitive je vois ce film comme une sorte de manège, où le wagon monte lentement pendant près d’une heure jusqu’au point culminant pour nous emporter dans une folie furieuse des plus jouissives, Quentin Tarantino propose un rythme de croisière déjantée qu’il faut savoir accepter, je reste un poil mitigé personnellement mais une fois la machine en route il est difficile d’y résister. Ce huitième film reste très réussi, un excellent moment de cinéma comme seul l’enfant du Tennessee sait offrir, avec une touche de maturité avouée qui se veut fédératrice, reste au public de répondre à cet appel.

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le 6 janv. 2016

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JimBo Lebowski

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