Peckinpah Hardcore
Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...
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le 25 déc. 2015
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La somptueuse ouverture l'annonce (peut-être la meilleure de tous les Tarantino ?), on est en face d'un film à l'allure majestueuse, avec un brin d'austérité, au calme inquiétant soufflé par un blizzard qui constituera toute la force oppressante du film. C'est un Tarantino qui ne ressemble pas du tout à du Tarantino : il n'y a là, sauf à la fin, aucune exaltation cathartique, il n'y a pas des séquences cultes qui explosent à tout va, les punchlines ne sont pas de choc... Non, Tarantino, malgré l'espace limité, réalise un vrai western (bien plus "vrai" que Django en tout cas) crépusculaire, minimaliste, avec des gueules de westerns, des costumes de westerns, un souffle de western.
On pourrait dire à chaud que le film est frustrant, on regarde les personnages se faire massacrer sans ressentir une quelconque empathie ou une quelconque catharsis, Tim Roth fait du sous Waltz, Madsen n'est plus que le fantôme de ce qu'il était (mais il a toujours de la présence, c'est déjà ça), et on met un peu de temps à s'habituer au cabotinage de Goggins, en VF en tout cas, faute de mieux...
Mais un peu plus à froid, on comprend tout simplement que Tarantino, après une période 2000's et un Django complètement cathartiques, a voulu faire quelque chose de nouveau. Revenir à quelque chose de plus sérieux, de plus sobre... Et contrairement à ses autres films, l'emballage du suspense est inversé : ce n'est plus du fun qui vient garnir un suspense tout à fait sérieux, c'est du sérieux qui vient garnir un suspense décomplexé et dérisoire. Étrange parti pris, mais qui fonctionne plutôt, surtout grâce à ce blizzard frappeur qui est presque hypnotique et à la montée en tension progressive qui bouillonnera sans jamais exploser - contrairement aux autres films où cela explose de la manière la plus grand-guignolesque possible. Le film est un jeu de massacre comme la plupart des autres Tarantino, mais ici, nous en ressortons sans grande jubilation ou sans grand plaisir : la violence est brutale, les corps tombent petit à petit, et pourtant le mal est toujours là, rien n'est lavé, rien n'est purgé, rien ne triomphe. Des salopards comme ces huit là, il peut y en avoir 15 dehors, il peut y en avoir des milliers, ou bien tout peut s'arrêter dans cette fin macabre et anti-climax au possible. Les détracteurs de Tarantino ne pourront pas reprocher ici sa complaisance pour des situations dégueulasses - d'ailleurs, personne ne riait pour les scènes de violences, ça doit être la première fois depuis Reservoir Dogs (Jackie Brown ne comptant pas) - ou pour des figures charismatiques gerbantes. Le seul bouffon du film est le plus innocent, le plus naïf, le plus manipulé. Seul Samuel L. Jackson a un certain rôle jubilatoire et purement tarantinesque, et peut-être Kurt Russel qui renoue avec les personnages ambigus des premiers films, et qui derrière son air de brute va trouver une certaine forme de belle rédemption. On peut aussi remarquer qu'à travers plusieurs scènes il y a des regards appuyés de vieux amis entre Roth et Madsen, et cela fera frémir les fans de Reservoir Dogs. La bande de malfrats, qui reste un groupe de salopards, de salopards banals pour un western certes mais des salopards antipathiques tout de même, obéit d'ailleurs à une certaine solidarité dans l'épreuve qui est joliment mélancolique, sans être trop soulignée pour ne pas devenir déplacée. Et la manière dont Jennifer Jason Leigh est filmée est proprement fascinante, tout comme le jeu de l'actrice, complètement habitée par le personnage, notamment sur les longs plans de son visage tuméfié dans la première partie.
Je finis d'extrapoler de la sorte, et je conclue en disant que ce film est déroutant, mais une grande réussite, qui manie à merveilles ses références tout en proposant quelque chose de réellement nouveau, et qui obéit à une logique fatale et nihiliste intéressante sans être antipathique. C'est aussi le retour à l'élégance et à la sobriété incisive formelles du cinéaste, et la musique de Morricone est merveilleuse, même si elle est indissociable du film. Et maintenant que j'ai réfléchi, je le dis haut et fort : on tient là la plus belle introduction de tous les films du réalisateur.
Ah aussi, la scène des piquets ne m'a, contrairement à beaucoup, pas dérangé. Je trouve même que c'est une des scènes les plus virtuoses du film. Et pareil pour l'aparté narratif de Tarantino himself.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top Quentin Tarantino et Marathon cinématographique 2016 d'une tortue
Créée
le 8 janv. 2016
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