Au regard de l'accueil critique très favorable de la majorité des spectateurs, il me semble d'abord nécessaire de prouver ma bonne foi avant tout propos. J'ai découvert Quentin Tarantino alors que j'étais adolescent par le biais des Kill Bill. Bien que je sache aujourd'hui que ce ne sont pas ses meilleurs films, il faut admettre que cette histoire de vengeance à base de sabres continue d'occuper une place toute particulière dans mon imaginaire cinématographique. De même, à l'exception d'un professeur de français formidable que j'ai pu avoir en seconde qui a pu me permettre de découvrir de très grands films, ma culture cinématographique était à cette époque proche du néant. Aussi, l'abus de références par Quentin Tarantino dans ses œuvres m'a permis de développer un goût certain pour le cinéma et rien que pour cela, je le remercie tout autant que mon ancien professeur de lettres. Après avoir grandement apprécié les films de ses débuts, je me suis d'abord dit à la sortie d'Inglourious Basterds que tout réalisateur (même les meilleurs) avait droit à l'erreur. Django Unchained, s'il a pu m'irriter à plus d'un titre sur de nombreux points, a tout de même eu le mérite d'être un cran au dessus de son film précédent et me laissait envisager le meilleur pour la suite.


Il faut bien admettre qu'en plus, les western, j'aime bien ça. J'ai eu l'occasion de voir La chevauchée des bannis peu de temps avant la sortie de ce huis clos tarantinien et je suis radicalement tombé sous le charme de cette petite bourgade enneigée. L'amour de Quentin Tarantino pour le western spaghetti ne me dérangeait pas plus, même si je suis tout à fait conscient des limites du sous-genre, je suis plutôt bon public sur ce point.


Et pourtant, voilà que ce qui devait finir un jour par arriver arriva : j'ai détesté un film de Quentin Tarantino. Je n'ai pas été simplement indifférent ou déçu comme devant Inglourious Basterds ou Django Unchained, non : je n'ai pas supporté.


Après avoir admiré la dextérité du réalisateur américain à filmer la neige, l'ennui s'est particulièrement fait sentir jusqu'à l'arrivée chez Minnie. La présentation poussive et fastidieuse de chacun des protagonistes laissait transparaître un manque d'imagination qui marque l'ensemble du film. Si les dialogues à rallonge ont pu déranger certains dans les films précédents de Tarantino, ce n'était pas mon cas. Pourtant, ici, pour la première fois, ce fût tout simplement insupportable, faute à un nombrilisme et un manque de tranchant dans les propos criant. Pire encore, alors que Django Unchained me laissait de l'espoir pour la suite de l'œuvre de Quentin Tarantino, ces 8 Salopards me donnent au contraire l'impression de l'avoir définitivement perdu. L'autocitation abusive traduit une vanité du réalisateur qui mérite d'être sanctionnée. Le huis clos sanglant rappelle Reservoir Dogs, la mort du nouvel employé dans les toilettes nous fait tout de suite penser à John Travolta sur son trône et il est difficile de ne pas faire le parallèle avec la scène d'introduction d'Inglourious Basterds quand on voit le tir du dessous du plancher.


Errare humanum est, perseverare diabolicum. Dans Django Unchained, Quentin Tarantino tentait maladroitement d'opérer une sorte de représentation de l'Histoire des États-Unis, intégrant des problématiques anachroniques quelles que peu dérangeantes. Ici, en plus de la lourdeur plus affirmée encore du propos, le massacre historique est tout simplement impardonnable.


Pire encore, personnellement, voir une femme se faire frapper pendant trois heures sans aucune retenue ça a rarement eu pour effet de me faire rire. J'ai vu Salo et si la violence et le sadisme qui y sont montrés dépassent de loin tout ce que peut apercevoir le spectateur devant Les 8 Salopards, je ne me suis jamais senti moralement mal à l'aise devant ce spectacle puisque Pier Paolo Pasolini délivre un message fort et humaniste derrière ces scènes horribles. Ici, c'est tout l'inverse. J'ai eu cette effroyable sensation d'être anormal en étant le seul à ne pas rire quand la salle s'esclaffait devant ce sadisme exacerbé. On ne tue pas parce qu'il faut tuer, on tue pour le plaisir, et le spectateur doit jouir devant ce spectacle sinon c'est un peine-à-jouir, un fasciste. Cet aspect du cinéma de Tarantino est apparu clairement depuis Inglorious Basterds et n'est sûrement pas prêt de disparaître quand on voit que son public adolescent ne recherche que ça.


Je ne fais pas partie de ceux qui cherchent à interdire à quiconque de voir quoi que ce soit. J'ai pu lire La tolérance à l'égard des intolérants de John Rawls, aussi je serai le premier à défendre Quentin Tarantino pour que son cinéma continue d'être diffusé. Pour autant, ce n'est pas mon cinéma et c'est ici que nos routes se séparent, cher Quentin.

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le 10 janv. 2016

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Kevin R

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